«Ne pas prendre les enfants pour des imbéciles»

JEUNE PUBLIC. Cette année, Sylvain Levey est l'auteur associé à l'Espace 600, où trois de ses textes seront mis en scène. A l'occasion du début de l'aventure la semaine prochaine avec Ouasmok ?, présenté par la compagnie grenobloise Les Gentils, on a rencontré Sylvain afin d'évoquer ses projets pour cette résidence. Propos recueillis par Aurélien Martinez


Petit Bulletin : Pourquoi avoir accepté la proposition de l'Espace 600 ?
Sylvain Levey : C'était une envie politique, car un auteur en résidence dans un lieu comme la Villeneuve a du sens. Je ne suis pas un auteur qui travaille seul chez lui, j'aime bien être en déplacement, à la rencontre des gens. J'ai un parcours aussi avec le lieu ; Villeneuve, pour moi, représente quelque chose : c'est un de mes premiers déplacements en tant qu'auteur avec Ouasmok ?. J'ai commencé à beaucoup apprécier Geneviève Lefaure [l'ancienne directrice de l'Espace 600, qui a quitté son poste en juin dernier NDLR]. J'ai trouvé que la reprise du projet par Laure-Anne Legrand [la nouvelle directrice NDLR] était faite de façon intelligente, donc je me suis dit "ok, je peux y aller" !

Comment s'articulera cette résidence ?
C'est un grand projet qui prend du temps et de l'esprit. Il va y avoir plein de rencontres et de choses très riches à faire avec les jeunes. Je les ai déjà rencontrés, c'était très fort. Ils sont disponibles, ouverts d'esprit, capables de se faire surprendre… J'aime bien cette idée de travailler sur la Villeneuve. J'ai ainsi commencé un début de texte intitulé Lys Martagon. J'espère bien qu'il connaîtra le parcours de Ouasmok ?, qu'il tournera en France ou ailleurs…

Comment avez-vous travaillé ce texte en lien avec le quartier ?
Il y a deux ans, j'étais en résidence à Villeneuve. Mon souhait était de loger chez l'habitant plutôt qu'à l'hôtel. J'avais ainsi rencontré un monsieur qui vit dans le quartier. Il me montrait des photos de lys martagon, une plante qui pousse dans les Alpes. Parallèlement, je me suis baladé dans le quartier, en regardant des choses que peut-être on ne voit plus quand on y habite. Et j'ai ainsi commencé à écrire sur un personnage prénommé Lys Martagon – parce que c'est très beau comme nom – qui habiterait à la Villeneuve. J'ai vraiment pris tout le coin, en me penchant sur la géographie du quartier : la place des géants, le lac artificiel… Mon texte est toujours en cours de chantier depuis deux ans, avec l'envie de le reprendre pour cette résidence. Mais il ne faudrait pas qu'il soit uniquement centré sur la Villeneuve, avec seulement les habitants du quartier qui pourraient se retrouver. D'où l'idée d'universaliser la chose au maximum.

Avec votre projet, vous luttez aussi contre « un théâtre enfant loin des clichés, des poncifs et des facilités » [extrait du court texte Halte au massacre psychologique des enfants déguisés en lapins !, disponible en postface de Ouasmok ?]
J'écris en jeunesse et en adulte, même si ça ne veut pas dire grand-chose… En gros, j'ai des livres qui sortent en littérature jeunesse et d'autres en adulte ! Moitié-moitié à peu près. Concernant la jeunesse, je considère qu'on ne doit pas prendre les enfants pour des imbéciles. Évidemment, il ne s'agit pas de leur démonter le moral dès cinq ans. Mais on n'est pas dans un monde idyllique, loin de là. Alors on peut leur montrer l'imperfection du monde avec de l'humour, de la poésie, du théâtre… Il est possible, dès le plus jeune âge, d'être titillé légèrement, d'avoir un regard critique sur le monde. C'est notre métier d'écrivain – même si tout le monde ne partage pas cet avis – de mettre les mains dans le cambouis, de regarder l'état du moteur de la société. Du coup, même avec des enfants, je vais continuer à faire de la mécanique… Peut-être sur un moteur plus simple… Mais je ne suis pas là juste pour nettoyer le pare-brise et faire briller les voitures !

Ouasmok ?, à ce titre, peut être vu comme un anti-conte de fées…
Tout à fait. Ça évoque la difficulté du couple, du quotidien… Ce n'est pas "on s'aime et tout va bien dans le meilleur des mondes". C'est toute cette violence de la vie : les rencontres, les ruptures, les nouvelles rencontres…

Avez-vous échangé avec Aurélien Villard, le metteur en scène de la compagnie des Gentils ?
On s'est rencontré deux fois. Mais j'ai pris le parti de ne pas intervenir dans le processus de création. Je vais venir à la première comme spectateur, point ! Mon texte est fait, il a été écrit il y a cinq ans, il ne m'appartient plus.

OUASMOK ?
Mercredi 4 novembre à 15h, jeudi 5 à 9h30 et 14h30, vendredi 6 à 9h30 à 19h30. A l'Espace 600


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