La nuit au musée

Le chorégraphe Bouba Landrille Tchouda poursuit avec Meia Lua son exploration d'une danse hip hop affranchie de toute frontière. FC


Pour avoir suivi son parcours au fil des ans, on peut le dire : la trajectoire de Bouba et de sa compagnie Malka s'est affirmée au contact de la culture brésilienne. De la première battle avec des danseurs des rues à la découverte de la capoeira grâce à des pédagogues sociaux du cru, son style s'est imprégné de ces expressions chorégraphiques, dans une dynamique d'échange artistique se nourrissant des fondamentaux de la culture hip hop. Car oui, le danseur chorégraphe a beau désormais se représenter dans des salles imposantes, il n'en a pas pour autant oublié d'où il venait, et revendique pleinement son héritage tout en cherchant à le renouveler. Et cela passe nécessairement, dans son acception de la discipline, par la rencontre et le partage avec l'autre, cet inconnu aux velléités artistiques si puissantes. Sa première collaboration avec des danseurs brésiliens, Malandragem, se posait comme un hommage on ne peut plus vivant, ludique et malicieux à la débrouille quotidienne, à ces gosses des rues qui choisissent d'exprimer leur mal-être par le biais chorégraphique, dans des contextes où la pression sociale intimerait plutôt de prendre la voie des armes. Meia Lua, travail de longue haleine mené entre le Brésil et la France, insiste toujours autant sur les notions d'émulation et de prédominance des valeurs collectives face à l'adversité, dans un cadre un tantinet plus narratif.

Statues (é)mouvantes

Imaginons un musée où les œuvres prendraient vie. Imaginons un cadre scénographique nourri à des références picturales (Bouba cite notamment les toiles d'Edward Hopper) jamais surlignées, mais drôlement réinterprétées, pouvant aussi déborder de leur cadre et se faire le reflet d'un cadre urbain aliénant. Imaginons, enfin, une ouverture chorégraphique totale, où les étoiles et la lune se feraient les témoins privilégiés des rassemblements d'individualités unies dans un même dessein fédérateur... Bouba a conscience du propos a priori candide qu'il délivre ici, mais ne se laisse pas enfermer dans un quelconque carcan bon teint. Son message, il le dispense dans des tableaux au charme chorégraphique instantané, abreuvés à l'improvisation, où la fougue naturelle des danseurs en dit beaucoup plus que n'importe quel discours. Ce plaisir de la chose dansée est toujours aussi contagieux, et son énergie renversante toujours aussi précieuse.

Meia Lua
Jeudi 5 et vendredi 6 novembre, à la Rampe (Echirolles)
Mardi 17 novembre, au Grand Angle (Voiron)


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Le mystère Chaissac