À l'origine

Remonté et raccourci après sa présentation cannoise, le quatrième film de Xavier Gianolli y a gagné en force, cohérence et mystère, donnant à l'odyssée d'un petit escroc construisant un tronçon d'autoroute un caractère épique et fascinant. Christophe Chabert


Lors du dernier festival de Cannes, À l'origine avait surtout frappé par sa durée un peu mégalo (2h35 !) et son désir de tout expliquer, frisant la surdose psychologique. Xavier Gianolli a depuis revu sa copie, dans le bon sens : la version qui sort en salles est bien meilleure, puisqu'elle ressert et opacifie les enjeux, se concentre sur l'action et relègue les motivations à l'arrière-plan (il en reste toutefois quelques traces dans des dialogues qui, parfois, mettent dans la bouche des personnages les intentions de l'auteur). Ainsi du protagoniste de l'histoire ; on ne sait plus rien du passé de ce type bizarre qui, dès les premiers plans, monte un «coup» aussi énorme qu'étrange. Il se fait passer pour Philippe Miller, patron d'une filiale fictive de la CGI, une entreprise de travaux publics qui a arrêté net la construction d'une autoroute sous la pression des écolos locaux défendant une race de scarabées. Miller fait croire qu'il va la remettre en chantier. Son plan fonctionne au-delà de ses attentes : dans une région dévastée par le chômage, il apparaît comme un messie moderne, ressuscitant les rêves de travail de la population, élus ou citoyens, entrepreneurs ou simples ouvriers.

Ballet humain et mécanique

La force de la première partie tient dans son ambiguïté : Miller est-il vraiment l'acteur de son escroquerie, ou celle-ci se développe-t-elle sans lui, par les sollicitations constantes et aveuglées des autochtones ? Deux séquences sont éloquentes : celle où Miller craque face à l'enthousiasme d'une assemblée de notables du coin — dont la maire de la ville, enjeu amoureux de l'intrigue — et celle où un banquier se jette dans la gueule du loup, trop heureux de s'associer à un grand projet. Gianolli ne s'en tient pas là : dans la seconde moitié du film, c'est Miller qui, à son tour, se laisse absorber par son chantier et la vague d'espérances qu'il a suscitée. Cluzet, d'abord formidable d'instabilité, fait alors corps avec la ténacité du personnage. Quelque chose du cinéma de Herzog passe alors dans le film : par la puissance lyrique de la mise en scène quand elle s'aventure sur l'autoroute en travaux, filmant des ballets d'hommes et de camions comme une grande épopée épique, mais aussi par la transparence entre ce décor et celui d'un plateau de cinéma, entre son héros et le cinéaste qui réunit moyens financiers et humains pour un projet fragile, dont l'objet est débordé par sa dimension symbolique. Objectif atteint : le cinéma de Gianolli a gagné en ampleur avec ce film aussi ambitieux qu'émouvant.

À l'origine
De Xavier Gianolli (Fr, 2h10) avec François Cluzet, Emmanuelle Devos, Gérard Depardieu…


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L’Imaginarium du Docteur Parnassus