Manège de l'angoisse

Dire que l'on attend avec impatience la prochaine exposition du Magasin est un euphémisme que l'on formule volontiers. La rétrospective du travail polymorphe de Marnie Weber (vidéo, musique, scultpure, collage) sonne en effet comme une promesse. Laetitia Giry


Vidéo et musique seront particulièrement à l'honneur : en qualité de médias permettant l'incarnation du groupe de rock gothique dont Marnie Weber fait partie, The Spirit Girls. Dans l'ambiance punk/expérimentale des morceaux, les échos entre les textes et les motifs récurrents dans ses productions plastiques sont révélateurs, avec force petits oiseaux et autres fleurs. L'artiste joue d'un rapport étroit à l'enfance, modelant une innocence déformée : non perdue, mais travestie. On ne peut s'empêcher de penser à Cindy Sherman - bien que leurs démarches diffèrent complètement - ses déguisements devenant ici identité colorée mais glacée. La mise en scène figée à dessein et déployée inlassablement sur le même thème (clowns, poupées, jouets) construit une esthétique à l'onirisme empreint de féérie, transpirant l'inquiétude avec une virtuosité toute personnelle. Et si l'on frôle le burlesque, nous ne voyons pas là trace de caricature, l'enjeu se trouvant ailleurs.La part maligne du clown
Le nom de Marnie n'est pas usurpé, sa douce folie et son empreinte technicolor rappelant avec bonheur le « Marnie » de Hithcock. Par son regard – figé et effrayant - elle affirme et réaffirme la toute puissance de l'artiste. Chaque œuvre semble attendre la fin du monde avec désinvolture : sa déliquescence s'étant confirmée par une mutation animale ridicule. Les collages sont à ce titre les plus intrigants. Chevauchant un poulet géant sur fond de ciel bleu, représentation idyllique, ou un porcelet (géant lui aussi), ballon à la main, l'artiste invente une fête foraine de l'angoisse. Son identité d'artiste s'épanouit dans le cocon d'un surréalisme horrifique perturbant. Le masque blanc impersonnel qu'elle porte invariablement – parfois affublé de faux mascara et d'un fard à joues à la rotondité parfaite façon poupée de cire bon marché ou pierrot lunaire en crise d'ado, fait d'elle une marionnette dans un univers toc rose bonbon : farfelu, improbable, facétieux. De l'ensemble de son œuvre émane une méchanceté latente et jouissive s'imposant à la rétine de manière peu subliminale, comme une violente déchirure du joli patchwork de nos certitudes. La métaphore est facile, mais elle a le mérite de la mimesis d'une exposition qui s'annonce subversive… en témoigne la salle labellisée « interdit aux moins de 18 ans » qui sera pour ravir les plus mutins, avides d'en découdre avec la pudeur bienpensante.Marnie Weber
Du 7 février au 25 avril 2010, au Magasin CNAC


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