Épître au jeune acteur


Soutenu par Jacques Osinski, le metteur en scène grenoblois Benjamin Moreau présente sur la scène du Petit théâtre de la MC2 son Amphitryon, d'après le texte de l'Allemand Heinrich von Kleist, qui définissait sa pièce comme une « comédie d'après Molière » (il avait commencé à traduire le texte avant de finalement en livrer sa propre adaptation en 1807). Le mythe d'Amphitryon évoque ainsi la perfidie des Dieux qui descendent sur terre métamorphosés en êtres humains : Jupiter prendra ainsi les traits du roi Amphitryon parti à la guerre, et charmera la reine Alcmène qui n'y verra que du feu…

Pour incarner ce trio tourmenté, Benjamin Moreau a choisi des comédiens issus de sa compagnie (l'Atelier), aux physiques jeunes, ce qui peut surprendre là où l'on attendait des Amphitryon imposants. Plongeant à corps perdus dans l'intrigue, les déclamations des comédiens se font alors tragiques (le choix d'une Alcmène statique peut se comprendre mais laisse pantois), les costumes baroques, les décors sobres et un brin kitsch.

L'Amphitryon de Benjamin Moreau ne sort donc pas des sentiers battus, ce qui ravira les puristes de la performance théâtrale : plus de deux heures de spectacle tout de même, rondement menées, ce qui confirme la maîtrise de l'outil théâtral par Benjamin Moreau, même si l'on n'adhère pas à l'ensemble de ses choix.

Mais là où l'on sent que le metteur en scène s'est accordé un espace de liberté et se permet de jouer avec le texte sans avoir peur d'être irrévérencieux, c'est dans la partition du valet Sosie. Très bien écrit, ce personnage pataud et goguenard qui ne comprend pas comment, face à son double, il peut être deux, est parfaitement interprété par Fréderic Giroutru. Comédien formé à Grenoble puis à Paris (classe libre des cours Florent), interprète dans de nombreux spectacles d'Olivier Py (dont le dernier Les Enfants de Saturne), il irradie littéralement le plateau, offrant des moments de respirations salutaires et des scènes de pure délectation, sans cabotinage excessif. On est fan !

Aurélien Martinez

Amphitryon
Jusqu'au jeudi 14 janvier, à la MC2


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Manège de l’angoisse