Un peu, beaucoup, passionnément

Le 102 nous propose de découvrir une œuvre originale de l'artiste autrichien Gustav Deutsch. Pure déclaration d'amour au cinéma, à ses techniques, ses débuts et aux infinis possibilités que ceux-ci auguraient. Laetitia Giry


Film ist constitue le résultat d'une recherche minutieuse de vieilles images, agencées et transformées avec un goût certain. Ralentis, répétitions et surtout, magistrale mise en musique - dont le décalage anachronique n'est rien moins que brillant - en font un tout poétique sur le fond comme sur la forme. Les douze premiers chapitres seront diffusés en deux soirées complémentaires, chaque moitié correspondant de fait à un thème différent : la première (1998), consacrée aux surprises scientifiques et la seconde (2002) prenant l'allure d'un hommage plus direct à la genèse du cinéma en tant qu'art, utilisant les premiers films dédiés à l'exploration des possibilités offertes par ce médium. Déterminant au niveau historique, on nous donne à voir le passage du documentaire à l'artistique : le même processus en somme que pour la photographie. Par un art du patchwork signifiant et son amour palpable pour le cinéma, Gustav Deutsch transforme la fascination de la redécouverte en fascination nue.Magic love
Les toutes premières images (1.1) fonctionnent comme une parabole : un profil de squelette restitué par le filtre d'un scanner déclare avec morgue : « de nos jours, les films sont tournés en 24 images par seconde. C'est une amélioration considérable pour la science. » Le cadrage de la bouche au cou suggère le désir de transpercer le langage, dans une recherche par auscultation de l'origine du geste et du mot. Le fait énoncé a la valeur symbolique de dire l'essentiel technique duquel part le réalisateur pour mieux s'en échapper. Dans la composition en chapitres est insufflée ponctuellement du sens à la construction : aux racines, « Mouvement et temps » matérialisent la nouveauté à saisir, s'étirant sur la pellicule d'une manière qui rend sensible cette magie première dont le cinéma est maître, replongeant les blasés que nous sommes dans une candeur, un état d'émerveillement oublié. Ici, les pulsations d'un chanteur d'opéra reliées à son chant et au piano pour des mesures scientifiques ; là, l'extraction d'un globe oculaire qui dégoûte dans ce quelque chose de cru et de direct auquel on est peu habitués malgré la violence générale des images d'aujourd'hui. La deuxième partie fait la part belle à l'onirisme et à l'imaginaire dans les expérimentations des pionniers : disparitions, créatures improbables, etc. La matière s'échappe dans la lumière, (re)prenant doucement la mesure du potentiel magique du cinéma : toujours un plaisir.Film ist (1-6)
Jeudi 4 mars à 20h30, au 102Film ist (7-12)
Vendredi 5 mars à 20h30, au 102


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La magie du spectacle