« On cherche toujours l'équilibre »

SPECTACLE / Dimitri de Perrot, moitié du duo qu'il forme avec Martin Zimmermann, évoque leur dernière création Öper Öpis. Un petit bijou burlesque inventif et bluffant. Propos recueillis par Aurélien Martinez


Petit Bulletin : Une première question toute bête pour commencer : que signifie Öper Öpis ?
Dimitri de Perrot : En suisse allemand, çela veut dire "quelqu'un / quelque chose".Au vu de cette traduction et du spectacle en lui-même, on peut donc voir cet Öper Öpis comme une proposition souhaitant, à sa manière, lutter contre l'idée même de misanthropie…
Il y a la question de base que l'on s'est posée, à savoir d'où vient ce besoin de se relier à l'autre, voire même de se mettre en couple. N'est-ce pas une manière de vouloir s'assurer soi-même de sa propre présence, ou de combler un manque ? Évidemment, avec Martin, on approche ces questions d'un point de vue très simple, très direct, par les petites choses de la vie… C'est ça qui nous intéresse : les rencontres dans les moments les plus furtifs où l'on découvre l'humain dans sa fragilité, là où il va nous toucher le plus.Vous parlez aussi beaucoup du couple, et des équilibres à l'intérieur du couple…
Absolument, le thème de la pièce est évidemment l'équilibre. D'où cette scénographie : un grand plateau qui tient en équilibre, où chaque personne qui arrive dessus le déséquilibre. Pour se comprendre et retrouver l'équilibre, ces êtres vont devoir communiquer. Car au fond, on le cherche toujours. Mais si on le trouvait, la vie ne serait peut-être plus si intéressante. Le fait que l'on soit toujours un peu déséquilibré fait que l'on avance, que l'on cherche, que l'on essaie de comprendre et donc que l'on va à la rencontre de l'inconnu.On pourrait qualifier ce spectacle de kafkaïen, dadaïste et cartoonesque. Cela vous parle ?
C'est drôle… Pourquoi pas ! En même temps, dans nos créations, chaque spectateur y voit sa vie, ses références… Mais c'est vrai que l'on aborde avec beaucoup d'humour toutes ces questions que j'évoquais précédemment et qui peuvent avoir un côté un peu lourd. C'est ce regard à la fois tendre et drôle envers nous-mêmes d'abord, puis ensuite envers les autres, qui nous relie avec Martin. On a beaucoup appris à rire de nous-mêmes et des contradictions de l'humain. Or, dans notre monde, les gens essaient à tout prix de cacher leurs faiblesses – leur humanité en fait – et l'on perd ainsi une beauté de la vie que nous, nous adorons. On ne cherche donc rien d'autre que d'aller à sa rencontre. Car au final, le rire est un moteur pour pouvoir supporter la vie.Vous montez tous vos projets à deux avec Martin Zimmermann…
Nos spectacles partent d'un dialogue, de ce cheminement que l'on fait ensemble depuis la dizaine d'années que l'on tourne à deux et que l'on regarde le monde. La base de chaque projet, l'idée de la scénographie, se fait véritablement à travers ce que l'on se raconte… Ensemble, on invente les personnages et on écrit le spectacle. Après, chacun ses spécialités : Martin est quelqu'un qui vient du corps, il manie très bien le langage corporel ; moi je viens plus de la musique, de ce que peut raconter le son dans notre monde. On est très liés, mais nous laissons à chacun ses propres domaines pour qu'il puisse s'épanouir.Concernant votre domaine, d'où vient la musique que vous jouez ?
Je compose toutes mes musiques, donc tout ce que l'on entend au cours du spectacle est joué live sur le plateau par mes soins. Rien n'est préparé ou ne vient de la régie. Et j'ai composé tous les disques, en faisant graver mes compositions sur des vinyles que je remixe ainsi en direct sur scène.Pour terminer, plusieurs journalistes vous ont qualifiés de "clowns philosophes". Vous vous retrouvez là-dedans ?
Pourquoi pas ! Il y a tellement de gens qui ont essayé de nous définir ! C'est un peu la grande question : qu'est ce que l'on fait ? Du théâtre ? De la danse ? Du cirque ? De la performance ? Tout le monde se pose cette question, et nous aussi ! Donc oui, l'expression "clowns philosophes" est belle, mais c'est presque un pléonasme ! Car un clown, pour être intéressant, doit se poser des questions, et donc philosopher à sa manière…ÖPER ÖPIS
Du mardi 6 au vendredi 9 avril, à la MC2


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