Plumes d'histoire

Le Muséum est un charmeur. Ce printemps, il s'est vêtu de ses plus beaux atours pour nous proposer deux expositions séduisantes et instructives : l'on découvre ainsi un bout d'Amazonie dans l'Orangerie pour mieux surprendre notre œil dans le Jardin des plantes. Laetitia Giry


Le Jardin du Muséum accueille d'immenses photos de Gilles Mermet : plantes et insectes, soigneusement choisis pour leur beauté et leur pouvoir visuel, trônent en maîtres – et en nombre – parmi les allées, entre les arbres et les rosiers. Fond noir et grand format se chargent de saisir le regard à son passage, révélant ressemblances troublantes et couleurs exceptionnelles. Si cette balade constitue un plus non négligeable, le plus intéressant se cache entre les murs de l'Orangerie. Sans tomber dans la mièvrerie ni la démonstration – qui eurent été une faute de goût certaine – le musée s'est acquitté de la lourde tâche de nous faire découvrir trois tribus amazoniennes. Une confrontation salutaire aux habitudes de peuples dont la culture se bâtit en fonction des ressources à disposition, et non à leurs dépends dans une consommation vorace, et qui se termine symboliquement sur une déclaration faite à l'ONU par un chef amazonien à propos de la destruction de la forêt.Nature et culture…
En conclusion de l'une des nombreuses recherches effectuées au terme de ses pérégrinations en Amazonie, le feu philosophe et ethnologue Claude Lévi-Strauss affirma que « la véritable contribution des cultures ne consiste pas dans la liste de leurs inventions particulières, mais dans l'écart différentiel qu'elles offrent entre elles ». C'est bien cet écart qui nous fait de l'œil ici, l'exposition permettant une incursion dans le quotidien et les différents rituels de peuples nous étant complètement étrangers. Coiffes gigantesques aux plumes colorées, film d'une fête rituelle, informations sur les peintures du corps comme marqueur identitaire et autres photos se côtoient en toute simplicité, nous donnant une idée sensible des faits culturels qui les caractérisent. Plus étonnant, car très rare, notons la présence d'une tête réduite - réelle tête ennemie conservée par le vainqueur d'un combat. Si le fossé semble béant, cette pratique ne relève finalement que d'une barbarie guerrière propre à tout peuple (que celui qui possède un contre exemple se risque à l'énoncer). Au-delà de la découverte d'un exotisme réjouissant sur fond d'une naïveté inhérente à l'ethnocentrisme de tout être social, l'exposition (comme les divers ateliers et projections proposés par le Muséum) nous renvoie directement à des problématiques universelles, essentielles et ô combien délicates sur la compatibilité de notre modernité telle qu'on la connaît avec la sauvegarde de la biodiversité de la planète. Oui, tout un programme.Guetteurs d'avenir, peuples d'Amazonie
Jusqu'au 1er août, à l'Orangerie du MuséumGrandeur nature, insectes et plantes
Jusqu'au 31 mai, dans le Jardin des plantes du Muséum


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