Irrésistible Alfio

Pianiste plébiscité par ses pairs et par un public grenoblois qui n'en finit plus d'en redemander, Alfio Origlio sera cette semaine à la Soupe aux Choux, pour un double concert autour de son album de reprises des Headhunters. François Cau


Alfio Origlio, c'est un peu la Rolls Royce des pianistes contemporains. Un cador. Une pointure dont l'éclectisme du jeu le mène à accompagner des personnalités artistiques aussi radicalement différentes que Paul Anka, Zizi Jeanmaire, Salif Keita, Arielle Dombasle, Aldo Romano, Henri Salvador ou Michel Jonasz. A l'origine, il s'oriente pourtant vers des études classiques, aux Conservatoires de Grenoble et d'Annecy. Mais une fois son cursus terminé, il bifurque rapidement vers le jazz, et ce qu'on regroupe largement sous le terme moyennement bien senti de “musiques actuelles“ – dans son cas, cela se traduit par un intérêt marqué pour la chanson française, les sonorités africaines et latines. Depuis maintenant une vingtaine d'années, il dispense ses services musicaux dans moult backing-band (on arrête le name-dropping, promis, même si c'est tentant), mais mène également en parallèle des activités de compositeurs et de leader de formations. Il saute le pas discographique en 2000 avec Passeggiata, où ses qualités de mélodistes comme la sensibilité exacerbée de son jeu apparaissent au grand jour. On y retrouve déjà deux de ses plus fidèles complices, le percussionniste Xavier Sanchez et le guitariste Louis Winsberg. En 2001, sa rencontre avec la danseuse flamenca Sharon Sultan donnera naissance à son quartet, intégrant harmonieusement la danse dans ses représentations. Funk you
Pour son nouvel album, Alfio Origlio a décidé de rendre hommage à l'un de ses musiciens de prédilection, le très versatile Herbie Hancock, plus particulièrement à sa période jazz-funk avec les Headhunters (voir ci-contre). Pour qui suit sa discographie de près, ce nouveau virage était prévisible : sans prétendre se comparer au légendaire musicien, Origlio ne peut que se reconnaître dans sa trajectoire, dans sa curiosité à vouloir toucher à tous les styles, dans son désir de nourrir son jeu du plus d'expériences possibles. Entre autres signes annonciateurs, Alfio avait déjà signé une reprise du Textures d'Hancock sur son Passeggiata. Mais ici, la réinterprétation passe par une déférence encore plus appuyée, puisque les musiciens se sont fendus de partis pris visant à coller au plus près de l'esprit musical d'alors, poussant le vice jusqu'à utiliser les mythiques instruments ayant conféré au funk une grande partie de son identité – pour Alfio par exemple, ce sera du Fender Rhodes et du Moog, les amateurs apprécieront, les novices aussi. Car dès l'échevelé Hang up your hang ups, le miracle opère, l'on se retrouve projeté trente ans en arrière, avant que le swing caractéristique d'Origlio ne se rappelle à notre bon souvenir. Ce Headhunters tribute live #1, enregistré lors d'un live à la même Soupe aux Choux en octobre dernier (à l'exception de la première piste), réussit l'exploit de retranscrire tout ce qui faisait la substantifique moelle musicale de cette esthétique, d'y greffer de discrètes remises au goût du jour (le seul morceau composé par Origlio, Blédars, s'intègre parfaitement entre deux compos d'Hancock), tout en rendant palpable la jubilation de ses interprètes, lesquels s'accordent avec un brio ne demandant qu'à exploser en live. Sachez enfin, pour achever de vous convaincre, que le tarif unique pour les deux soirs est de 15 euros, mais que pour ce prix, vous repartirez avec ledit album. Si ce n'est pas la classe, je ne sais pas ce que c'est. Alfio Origlio & Headhunters
Mercredi 19 et jeudi 20 mai à 21h, à la Soupe aux ChouxAlfio Origlio Quartet
Mardi 15 et mercredi 16 juin à 20h30, au Théâtre Ste-Marie-d'en-Bas“Headhunters tribute live #1“ (La Cigogne Music)


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