Vers déformants

C'est l'une des têtes d'affiche de la clinquante nouvelle édition de Jazz à Vienne : Elvis Costello vient avec son groupe (les Sugarcanes), sa compagne (Diana Krall), ses éternelles et néanmoins énormes lunettes, et surtout avec son génial répertoire. FC


Pour les jeunes générations, Elvis Costello a ce je-ne-sais-quoi d'exagérément branché. Un type avec des looks pas possibles, multipliant les apparitions “dans son propre rôle“ dans des parangons de pop culture tels que Talladega Nights, Austin Powers 2, Delirious de Tom Di Cillo, Les Simpsons, ou Mon Oncle Charlie. Il s'est même payé le luxe d'interrompre un live télévisuel des Beastie Boys pour que le trio reprenne avec lui son cultissime Radio Radio (qui lui avait valu les foudres de la censure US lors de l'un de ses premiers passages sur la petite lucarne). Une façon comme une autre pour les frondeurs (auto)proclamés de se payer à moindre frais une caution morale, tant chacune des apparitions précitées se limite à de la quasi figuration. Car il est vrai qu'Elvis Costello, punk déguisé en crooner (et réciproquement), charrie par sa seule présence un vécu tumultueux, une pose rebelle même pas affectée, et un penchant pour une subversion à la subtilité précieuse. Artiste dégagé
Depuis son premier album My aim is true (1977), Elvis Costello aura louvoyé entre le rock, le blues, le jazz, la country, avec ce point commun précieux entre toutes ses productions : l'art de trouver des paroles percutantes, qu'il balancera avec son délicieux air de ne pas y toucher. Bien éloigné des standards ronflants de la musique dite “consciente“, il donne dans la critique politique aussi acerbe que finement amenée, gifle le thatchérisme de son Angleterre natale comme les errements américains des décennies écoulées (plus récemment, il a fait polémique en refusant de jouer en Israël suite à l'affaire de la flottille), met ses propres démons alcoolisés dans des abîmes poétiques, écrit les plus belles ou les plus déprimantes chansons d'amour - selon l'état de sa vie sentimentale. Après le bordel sans nom que furent pour lui les années 80, on le redécouvre la décennie suivante aussi à l'aise en écriture avec Paul McCartney (le magnifique single Veronica) qu'avec Burt Bacharach. Il aura survécu aux changements de groupes, de femmes, aux excès de bibine, aux fallacieuses accusations de racisme, aux tentatives de ringardisation venues de toutes parts pour s'imposer artistiquement comme un parolier monumental et un interprète au talent à fleur de peau. Ce que confirme largement son dernier opus acoustique enregistré à Nashville, Secret, Profane & Sugarcane.Elvis Costello & The Sugarcanes + Diana Krall
Jeudi 8 juillet à 20h30, au Théâtre Antique de Vienne dans le cadre de Jazz à Vienne


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