Blues en stock


L'un des titres emblématiques de Jon Spencer s'intitule Talk about the blues. Un sujet sur lequel le new-yorkais a toujours été très bavard. Que ce soit avec Boss Hog (le groupe qu'il forma avec sa femme Cristina Martinez), The Jon Spencer Blues Explosion ou maintenant Heavy Trash, il n'a toujours été question que de ça : quel que soit le style musical adopté en vitrine, l'arrière-boutique résonnait de blues à triturer, à tordre ou à vitrioler pour s'assurer qu'il bouge encore et même qu'il s'agite au gré d'un punk rock digne de la danse de Saint-Gui. Entre pastiche et hommage, recherche musicale et déconstruction bruyante. Même souci du côté de Wovenhand et pourtant le résultat est quasiment aux antipodes de la musique de Spencer. Du blues, David Eugene Edwards, leader de Wovenhand et ancien chamane de 16 Horsepower, a toujours exploré la face sombre et gothique, mythique aussi entre attirance pour la transe indienne et fascination pour les immigrants chrétiens aux mains sales et à l'âme à laver. Un peu à l'image d'une église des pères fondateurs bâtie sur un cimetière indien, ce blues-là est noir comme le souvenir qui ne veut pas s'effacer, porté par la voix habitée de cet homme du Colorado. Nul doute que ce blues-là, celui de Spencer comme celui d'Edwards, devrait résonner à merveille entre les montagnes de Cluses. Car l'un comme l'autre si on les apprécie sur disques, sont avant-tout deux indécrottables bêtes de scène. Mi-bêtes de somme, mi-bêtes à concours. Sans doute parce qu'on peut tricher avec tout, sauf avec le blues.
SD


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