Révolution de palettes

À Vizille, l'exposition Représenter la Révolution montre comment la période révolutionnaire a suscité l'entrée dans la modernité esthétique en faisant de l'actualité un sujet artistique. Quentin Pourbaix


La prise de la Bastille, la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, Louis XVI, Danton et Robespierre, Napoléon... Voilà à quoi se résume souvent la Révolution dans nos esprits : des dates, des évènements, des personnages. À l'occasion, quelques images retenues au détour d'un film : des Mariés de l'an II à Marie-Antoinette en passant par Liberté, Égalité, Choucroute et Si Paris nous était conté, au service du rire ou du drame, la grande fresque révolutionnaire est une source inépuisable d'inspiration pour le cinéma. Déjà à l'époque, elle fascinait les Hommes, en France et ailleurs. On ne s'étonnera donc pas de constater qu'elle fut aussi une grande période d'effervescence artistique. On devrait pourtant... Car représenter des événements contemporains, comme le firent de nombreux peintres de la décennie révolutionnaire, a constitué un tournant décisif pour l'art pictural. «La Révolution française impose l'actualité comme nouvel horizon artistique» explique Philippe Bordes, commissaire scientifique de l'expo et ancien conservateur du Musée de Vizille. La démarche met fin à « la manière traditionnelle de penser » : une génération de peintres en chasse une autre et ouvre la voie à une certaine peinture du XIXème, celle du Radeau de la Méduse de Géricault, de La Liberté guidant le peuple de Delacroix. Sur la toile, le peuple accède enfin à la dignité de sujet central. Coup de chaud sur la nation
Les seules sources d'inspiration ne sont plus les antiques, ou les scènes de batailles, mais bien plutôt l'actualité bouillonnante ou ses braises encore chaudes, celles de la Bastille, et bientôt celles de la royauté : le 10 août 1792 la prise des Tuileries où réside le roi, puis sa destitution par l'Assemblée parmi laquelle il avait trouvé refuge, mettent fin à l'Ancien Régime. C'est cette journée d'effervescence et de basculement de l'histoire que l'on retrouve au cœur de l'exposition de Vizille. Le musée y expose en parallèle l'Attaque des Tuileries, de Jacques Bertaux, et le Peuple français demandant la destitution du tyran de François Gérard (ébauche inachevée, prêtée par le Los Angeles County Museum of Art). D'un côté, un peintre habitué à saisir les scènes de bataille, de l'autre, un « peintre d'histoire », qui fait de l'assemblée un théâtre en écho au Serment du jeu de Paume de David. Deux traitements, mais au delà, une même modernité. Représenter la Révolution
jusqu'au 27 septembre, au Musée de la Révolution à Vizille


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EXPOSITION & MUSIQUE