Playlist de lecture

La parution de plusieurs premiers romans prometteurs, le retour en (dis)grâce de quelques écrivains cultes et la confirmation de certaines grandes voix romanesques : petit tour d'horizon d'une rentrée littéraire française riche et variée. Yann Nicol


497 romans français, dont 85 premiers romans, paraîtront d'ici la fin du mois d'octobre. Si l'on ajoute les 204 livres issus de la rentrée étrangère, on commence à se dire qu'il va falloir se dépêcher avant d'attaquer la deuxième rentrée littéraire de l'année, identique en termes de quantité, qui arrive au mois de… janvier ! On vous rassure, on ne les a pas tous lus. Mais on est quand même en mesure de vous donner quelques pistes sur les romans qui à l'ombre des grands ténors de la rentrée, se font discrètement une place au soleil. Et sur ceux qui, vu le nombre de parutions, ne méritent vraiment pas qu'on s'y attarde, malgré l'admiration qu'on porte parfois à leurs auteurs…Le retour des nouveaux réalistes
La rentrée littéraire de 1994 était marquée par la parution de trois romans qui ont, chacun à leur manière, révolutionné la littérature française de la fin du XXe siècle. Extension du domaine de la lutte, de Michel Houellebecq, Baise-moi, de Virginie Despentes et Cantique de la racaille, de Vincent Ravalec, brillaient par l'inventivité, l'oralité et la brutalité de leur style tout en se colletant avec subversion et acidité à la réalité sociale contemporaine. Seize ans plus tard, le hasard veut que ces trois écrivains cultes publient ensemble leur nouvel opus, avec des réussites bien diverses. Car si Michel Houellebecq nous séduit franchement avec La Carte et le territoire (voir chronique ci-contre), si Virginie Despentes nous impressionne toujours par la force de sa révolte dans Apocalypse bébé, l'épisode 2 du mythique Cantique de la racaille nous laisse méchamment sur notre faim...Les grands noms de la rentrée
Si Michel Houellebecq est à juste titre au cœur des débats, cette rentrée est aussi l'occasion de lire à nouveau certains des plus grands écrivains français contemporains. Jean Echenoz, qui clôt sa “trilogie biographique“ en s'attaquant, après Ravel et Zatopek, au destin du scientifique Nikola Tesla ; Antoine Volodine, dont la communauté d'auteurs imaginaires et post exotiques se manifestent simultanément, puisqu'en même temps qu'Ecrivains (Seuil), publié sous le nom de Volodine, on découvre deux de ses romans écrits sous les pseudonymes de Lutz Bassmann et Manuela Draeger ; Olivier Cadiot, qui fut cet été l'invité d'honneur du festival d'Avignon, mais aussi Philippe Forest, Vassilis Alexakis, Patrick Lapeyre, Linda Lê, et Alain Fleischer, sans oublier ceux dont on n'ouvrira pas les livres en priorité, mais qu'un large public attendait avec impatience, comme Laurent Gaudé, Claudie Gallay ou Amélie Nothomb…Les héritiers
Dans la lignée des Volodine, Echenoz ou Houellebecq, on trouve désormais un solide noyau d'auteurs qui constituent à coup sûr la relève d'une littérature française exigeante et innovante. Dans cette nouvelle vague, on peut notamment citer les deux filles des éditions Verticales, Maylis de Kerangal et Olivia Rosenthal (voir chronique ci-contre), mais aussi les deux garçons des éditions Actes Sud : Mathias Enard, qui parvient à enchaîner après son immense roman précédent, Zone, en dressant le portrait de Michel-Ange dans Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants, et Jérôme Ferrari, qui confirme avec le très noir Où j'ai laissé mon âme, situé pendant la guerre d'Algérie, qu'il est un très grand styliste. On peut également évoquer Marc Weitzmann (Quand j'étais normal, chez Grasset), Alain Mabanckou, transféré chez Gallimard pour un roman sur son enfance au Congo, mais aussi Thierry Beinstingel, Nathalie Kuperman ou Philippe Vasset. Sans oublier Christophe Claro, qui s'inscrit avec bonheur dans la longue tradition des objets littéraires non identifiés qu'il a l'habitude de traduire (il est notamment le traducteur en France de Vollmann, Pynchon ou Danielewski) avec Cosmoz, une traversée de la première partie du XXe siècle vue à travers des personnages issus du Magicien d'Oz, écrit en 1900. Brillant, inventif, foisonnant et audacieux, Claro frappe fort, très fort…Premiers romans
Ils sont une fois de plus très nombreux à se jeter dans la bataille de la rentrée dès leur premier roman publié. Parmi la petite centaine de primo-romanciers, on retiendra les noms de Pauline Klein, pour son récit troublant et caustique sur la création artistique et les mystères de l'identité (Alice Kahn, chez Allia) ou de Bernard Quiriny qui, avec Les Assoiffées, signe une remarquable et très incorrecte fable politique sur les extrémismes de tous poils (en particulier le féminisme) et l'aveuglement des intellectuels. On citera aussi Gaëlle Bantegnie et son ode aux années 80 (France 80, à L'Arbalète) et Caroline de Mulder, qui publie aux éditions Champ Vallon un premier roman remarquable et singulier, Ego Tango.


<< article précédent
Tous Greasés