En terre africaine

Les 14e Rencontres Ethnologie et cinéma se font cette année sous le signe de l'Afrique. L'occasion de se décentrer un peu, ou d'essayer au moins. LG


On ne va pas se mentir : un festival nommé « Ethnologie et cinéma », ça peut effrayer au premier abord. Sujets sérieux, documentaires en pagaille, recherches anthropologiques trop loin de nous, autant d'a priori auxquels il serait dommage de se cantonner, sous peine de manquer un événement particulièrement curieux et intéressant. Il est vrai que certains films peuvent désorienter l'occidental moyen et naturellement ethno centré que nous sommes : « A joking relation », de l'américain John K.Marshall, nous présente par exemple une fillette et son oncle jouant à être mari et femme. L'image noir et blanc est magnifique, le cadrage soigné, le regard porté exempt d'un jugement encombrant : le jeu se fait en paroles mais aussi en gestes – mis en valeur par des gros plans sur des mains qui s'entremêlent ou le torse de l'homme. Ce dernier point nous force ainsi à dégager notre regard de l'éducation reçue, pour comprendre la scène pour ce qu'elle est : un jeu et non une perversion. « Shooting with Mursi » décrit quant à lui la force de l'image par l'intermédiaire de son utilisation par la tribu Mursi. L'un de ses membres s'est procuré une caméra et n'a de cesse depuis de filmer leur culture et leurs rites, parfaitement conscient du fait que c'est un moyen de laisser une trace et de faire connaître ses coutumes à d'autres peuples. La caméra côtoie les armes à feu, apparemment nécessaires à la tribu au quotidien : le décalage est saisissant.Duo gagnant
Le duo de réalisateur Michèle Fiéloux et Jacques Lombard voit deux de ses films projetés lors de cette manifestation. L'un de 1989, l'autre de 2005. Tous deux calmes et posés, informatifs et sensibles à la fois, centrés sur un personnage et s'appliquant à comprendre sa vie et son environnement. « Les mémoires de Binduté Da » accompagne une famille dans les dernières funérailles d'un défunt, Binduté Da. Son fils joue le rôle de narrateur et explique simplement la vie de son père, les conditions dans lesquelles son esprit va pouvoir rejoindre le « monde des morts », guidé par les esprits de ses ancêtres, eux-mêmes convoqués pendant cette cérémonie de trois jours. Dans « Le voyage de Sib », on suit ledit Sib, guérisseur et artiste, qui va reconstituer son autel au Musée d'art moderne de Düsseldorf en 2001. Là encore, le choc guette : le rituel sacrificiel effectué par Sib ne nous est que peu familier. Intervient alors la nécessité de nous décentrer de notre système de valeurs, et de tenter de décrypter par symétrie nos propres habitudes. De beaux portraits, étonnants, de la découverte au sens le plus strict.Festival Ethnologie et cinéma, « Afrique, terre d'échanges »
Du 12 au 20 octobre dans divers lieux, programmation en pages agenda.


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