À l'intérieur


Intervenant régulier en Maison d'arrêt depuis plus d'une dizaine d'années, il semblait logique que Bouba Landrille Tchouda, au vu des interrogations qui parcourent son travail de chorégraphe, se penche un jour sur la question de l'enfermement. C'est désormais chose faite avec sa nouvelle création, Murmures, un duo aux côtés du danseur Nicolas Majou présenté la semaine dernière au Théâtre National de Chaillot, et cette semaine à La Ponatière d'Echirolles, dans le cadre de JeudIsèreDanse. Pas question pour autant de plonger tête la première dans les nombreux clichés trop souvent utilisés pour restituer l'âpreté de l'univers carcéral : « Je n'avais pas envie de dire « c'est une pièce sur la prison », de mettre des barreaux aux fenêtres, de rentrer dans un schéma où un danseur joue le méchant et l'autre le gentil… Je voulais au contraire me protéger un peu de ça, prendre du recul, éviter d'être trop dans le jugement, ou dans l'émotion… Ce que j'ai simplement voulu livrer, c'est la douleur d'être enfermé. À certains moments d'ailleurs, on a plus l'impression de voir un hôpital psychiatrique, à d'autres des personnes handicapées, enfermées dans leur corps… » Si l'on n'a pu voir pour l'heure qu'un extrait, incomplet et non définitif, de cette nouvelle création, force est de reconnaître que le chorégraphe semble avoir une nouvelle fois atteint son objectif. Tension, douleur, frustration, peur, colère, lassitude, énergie, tendresse même parfois, s'expriment bien au travers des mouvements des deux danseurs, influencent leurs interactions, rythment leurs circonvolutions physiques et mentales... Mais toujours de façon ambivalente, ambiguë, et sans jamais céder aux attentes du spectateur sur le sujet. Et l'on retrouve justement là ce qui fait l'une des grandes forces du travail de la compagnie Malka depuis ses débuts : cette capacité à exprimer par la danse des émotions puissantes, indicibles, mais également à faire confiance au ressenti du spectateur, en dépouillant mouvements et scénographie de toute dimension trop démonstrative plutôt que de lui livrer une sage chorégraphie prémâchée. Un courage artistique qu'on aimerait retrouver plus souvent… DG


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Il Maestro