Outrage

De et avec Takeshi Kitano (Japon, 1h49) avec Ryo Kase, Jun Kunimura…


Après trois films autobiographiques où il s'interrogeait sur son rôle d'artiste, d'amuseur et de cinéaste, Takeshi Kitano revient au genre qui l'a rendu célèbre hors du Japon : le film de yakuzas. Compromis ? Initialement peut-être, mais en fin de compte Outrage est tout sauf une opération séduction. Le premier plan, génial, donne le ton : un long travelling latéral sur des yakuzas en stand by contre leurs voitures de luxe. La caméra arrive sur le visage de Kitano ; va-t-elle s'arrêter ? Non, elle continue sa route et découvre d'autres personnages. Ce n'est pas un pied de nez. Il n'y a ni protagoniste, ni intrigue centrale dans Outrage, juste la reconduction jusqu'à épuisement du même motif : des dominants arrogants et des dominés qui veulent prendre leur place par le meurtre et la violence. La mathématique des humiliations et de leurs conséquences remplace la psychologie ou le code d'honneur, souvent bafoué. Loin des éclats esthètes d'Hana Bi, Kitano choisit une rugosité formelle radicale pour montrer ce spectacle d'un pouvoir mouvant, sans enjeu autre que de le prendre et de le conserver jusqu'à la mort. Même les scènes de sadisme (notamment un passage terrible où il torture un homme avec une fraise de dentiste) paraissent désenchantées, routinières. Kitano ne jouit plus de ce cirque-là et tient à le faire savoir. À la manière de Kechiche dans Vénus noire, il livre un film jusqu'au-boutiste, peu aimable, retournant comme un gant les clichés faciles sur son cinéma. CC


<< article précédent
Memory Lane