Le manège désenchanté


Lulu : lolita multifacette à l'aura indescriptible créée par le dramaturge allemand Frank Wedekind, puis mise en opéra par Alban Berg ou immortalisée à l'écran par Louise Brooks. Ici, dans cette version théâtrale de 3h50, Stéphane Braunschweig (nouveau directeur du Théâtre de la Colline à Paris, à la suite d'Alain Françon) pioche dans le texte initial pour en présenter sa vision : celle d'une femme enfant bringuebalée dans un monde qu'elle ne semble pas comprendre – ou du moins le laisse-t-elle habilement penser. Un cauchemar niché dans un corps de femme sublime, qui en fera chavirer plus d'un…

Tout est une question de fantasme explique ainsi le metteur en scène en note d'intention… Wedekind décrivait sa « tragédie à faire frémir » comme immontable, car trop subversive pour son époque moralisatrice où régnait l'ordre bourgeois (elle a été écrite en 1882, avant de subir de nombreuses retouches pour finir scindée en deux). Subversif : un reproche que l'on ne peut – malheureusement – pas faire à Braunschweig. Malgré une distribution solide (dont Chloé Réjon, qui campe le personnage principal avec justesse) et une scénographie impressionnante illustrant bien l'idée de tourbillon, son Lulu est d'une fadeur déconcertante. Pourtant, il semble s'être donné du mal, mais l'on reste pour le moins dubitatif face au parti pris de plonger le texte dans des ressorts comiques proches du grotesque. Car nous ne sommes plus à l'époque de Wedekind, et cette lecture alourdit considérablement le rendu à défaut de choquer le petit bourgeois – qui lui, depuis, en a vu d'autres. Reste un spectacle solidement monté, assez agréable à suivre par moments, mais sans grand intérêt véritable. AM

LULU
Du vendredi 7 au jeudi 13 janvier, à la MC2.


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