Jeunes et fous

Oui, il faut être un peu fou pour se lancer dans une carrière artistique. Alors on se demande quelles options s'offrent aux aspirants artistes plasticiens dans notre chère ville… Et on en trouve plusieurs, vertigineuses et simples. Laetitia Giry


La vingtaine un peu entamée, l'étudiant sortant de cinq ans à l'école des Beaux-Arts de Grenoble se retrouve dans une jungle impossible à prévenir. Bien sûr, comme tous les autres étudiants, il la redoute et la voit venir cette jungle sans pitié, mais l'affronter est la prochaine étape de son parcours. Comme nous le fait remarquer Pascale Riou (du centre d'art OUI) : « le côté professionnalisant des écoles d'art est un peu fictif », d'où la nécessité pour ces jeunes de créer eux-mêmes les occasions susceptibles de faire (sur)vivre leur travail. D'après Anaëlle, chargée de production au Magasin – CNAC, « l'important n'est pas de se montrer dans les vernissages mais bien de fournir un réel travail, construire son identité artistique, tenter de s'intégrer à un réseau tout en assumant bien souvent des difficultés financières forçant à faire un travail alimentaire ». Nombreux sont ceux à quitter le pays pour des eldorados plus bouillonnants : si Paris fut un temps une destination appropriée, il semble que la prolifération incontrôlable de propositions et la vie de plus en plus chère aient eu raison de sa bienveillance à l'égard des jeunes artistes. Berlin a pris le relai, pour un temps du moins, car l'on discerne bien le mécanisme à l'œuvre : un cercle vertueux et vicieux à la fois, qui veut que la création s'installe où elle le peut, donnant à l'espace choisi une valeur ajoutée qui provoque inexorablement son rejet. La même Anaëlle de préciser que « Grenoble n'est pas une ville hostile à l'art contemporain, bien qu'elle soit plus portée sur le spectacle ». Une ville qui permet ainsi le développement d'espaces dédiés à l'aide à la jeune création grenobloise.

1 / Le centre d'art OUI, ouvert dans un vieux garage au bout de l'Esplanade, est le fruit d'une envie de faire connaître la jeune création. La motivation de départ étant simple : l'absence d'un tel lieu à Grenoble. Le réseau et les connaissances se révèlent indispensables pour pouvoir y exposer, la programmation fonctionnant par coups de cœur des membres. Subventionné par la ville, l'Etat, mais surtout la Région, le centre organise de nombreux échanges avec l'étranger (Sarajevo par exemple), et aide à constituer des dossiers pour des demandes de Bourse.

2 / Le Laa (Laboratoire d'Art d'Aujourd'hui) est un centre d'art niché dans l'association de la Bifurk, composé d'une directrice et d'un CA avec un comité de bénévoles : un prof de l'école d'art, des artistes, des personnes en service volontaire, et Sarah Babin pour coordonner ce groupe de travail. Cette dernière insiste sur le fait que le groupe « réfléchit tout d'abord au projet de la Bifurk », en partant invariablement du contexte social dans lequel la Bifurk s'inscrit. La programmation se veut ancrée dans le réel du quartier par l'intermédiaire d'appels à projets (envoyés aux écoles d'art de la région, à des artistes plus ciblés et à quelques centres d'art) qui demandent de prendre en considération le lieu et sa réalité, son public potentiel. En plus de l'intérêt évident du projet, le budget d'aide à la création accompagnant chaque exposition permet à l'artiste de travailler dans un confort relatif et rare.

3 / L'exposition de Noël du Magasin – CNAC attire beaucoup de jeunes artistes par son aspect concours. Après envoi d'un dossier, sélection (pour la quarantaine d'élus) par un jury de professionnels, le gagnant remporte 3000 euros extraits de la Bourse de la ville de Grenoble. L'exposition est beaucoup visitée – notamment par des collectionneurs, et, sans être une référence incontournable, elle reste un rendez-vous intéressant pour la mise en valeur de la jeune création. Un rendez-vous qui gagnerait à prendre de l'ampleur et être mieux construit, plus précis : à suivre. Du travail, de la chance, des occasions à saisir, et pourquoi pas des idées nouvelles… voilà le destin du jeune artiste, à Grenoble ou ailleurs. A l'image de Fanette Muxart, artiste grenobloise prochainement exposée au OUI (photo), qui a pour projet d'amener de l'art dans son travail « alimentaire » plutôt que de travailler exclusivement pour pouvoir continuer son art. Ou la création d'une inversion des forces et des tendances : symptôme intéressant de la situation des jeunes artistes.

Les autres aides
- Les galeries nomades de Lyon, gérées par l'IAC de Villeurbanne, sont des petites expos de jeunes partout dans la région
- La Bourse de la ville de Grenoble (15 000euros), dont 3000 pour l'expo de Noël et 12 000 répartis sur dossier (jury : Guy Tosatto – directeur du Musée de Grenoble, Thomas Cossec – directeur de l'Ecole des Beaux Arts, et Yves Aupetitallot, directeur du Magasin - CNAC)
- Les Post-diplômes, année de transition qui reste une exception (un à Lyon, comme le Palais de Tokyo à Paris)
- L'Andéa (Association nationale des directeurs d'écoles d'art)
- Culture France, organisme basé à Paris qui finance des projets favorables à l'exposition de la culture française à l'étranger


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