Et justice pour tous


C'est une histoire invraisemblable, et malheureusement assez caractéristique de ce qui peut déconner en ce moment dans ce pays en termes de liberté d'expression, de travestissement et de contestation de l'appareil judiciaire, et d'egos mal placés. En 2002, Hamé, chanteur parolier du groupe de hip hop La Rumeur, publie un texte intitulé Insécurité sous la plume d'un barbare dans un fanzine accompagnant la sortie d'un album de la formation. Il y fait état des bavures policières françaises restées impunies, et du climat de ghettoïsation sociale dont souffrent les banlieues d'aujourd'hui. Un pamphlet qui lui vaudra d'être poursuivi par le Ministère de l'Intérieur (à la tête duquel se trouvait à l'époque l'actuel résident de la République) dans la foulée de sa publication. Hamé est relaxé deux fois, le Ministère se pourvoit en Cassation, la Cour casse la dernière relaxe, renvoie l'affaire devant une autre Cour d'Appel qui prononce une nouvelle relaxe, à l'instar d'un ultime pourvoi en Cassation. Soit un acharnement judiciaire de huit années, au cours desquelles les énergies du groupe ont été mises à rude épreuve. Mais aujourd'hui, après avoir triomphé de cette tentative de mise au silence, La Rumeur peut enfin revenir sur scène sereinement, et rappeler (on avait presque fini par l'oublier) à quel point le groupe dénote et compte dans un paysage rap français sinistré. Finesse et engagement (forcément) des paroles, contrepoint salutaire au formatage Skyrock, le rap du groupe requiert l'attention de son auditeur, récompensé par des fulgurances artistiques précieuses. Leur live aux Abattoirs de Bourgoin-Jallieu du 19 février est, vous l'aurez compris, immanquable, et sonne comme une victoire.


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Salé / sucré