Ou même ailleurs


Artiste grenoblois aux multiples facettes – tour à tour peintre, vidéaste et photographe –, Gilles Balmet balade ses obsessions d'œuvre en œuvre, muant en rengaine mélodique des motifs esthétiques d'abord fruits de son imagination. Somewhere here on earth présente essentiellement son travail le plus récent, ce que l'on serait tenté d'appeler son « après Kyoto ». Car l'artiste revient d'un voyage de six mois au Japon manifestement inaugural quant à son appréhension de la notion de paysage. Silhouettes de montagnes nées d'une technique ancienne de bain d'encre, photographies nocturnes et lumineuses, faussement abstraites, sobres et épurées, encres Rorschach (dessins utilisés en psychologie) légèrement pollockiennes : les nouvelles séries excitent le désir de vision. De ce voyage on revient, certes, mais pas entièrement intact. Le murmure des dessins de lumière, des virgules d'encre et de leur cheminement hasardeux aura eu raison du silence contemplatif qu'est le cocon habituel du regardeur. Ici, rumeurs urbaines à la fougue contenue, vertige des torsions, vitesse et mouvement transportent l'œil dans la partie ombreuse de l'horizon, le revers du réel : sa partie hallucinée. Pour cela, Gilles Balmet procède à des expérimentations visuelles de fixation d'un temps éclatant au présent, s'appliquant à contourner l'abîme de l'oubli implacable de l'instantané. Avec pourtant la conscience que rien ne perdure ni ne compte et que, selon le mot du poète andalou Federico Garcia Lorca, « la mer aussi se meurt ». Quelque part sur terre. Laetitia GirySomewhere here on earth
Jusqu'au 29 mai au Musée Géo-Charles.


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«Tout simplement éclectique»