Sans naphtaline


Les spectateurs sont placés en face à face, sous une lumière blanche. Au milieu des gradins, une scène étroite avec une dizaine de chaises en formica et trois tables juxtaposées. Il est question de la Révolution française. Danton vient d'être exécuté. Et le spectacle pourrait alors être un exposé historique sur la Terreur. Or, dans cet espace exigu, il n'y a pas de place pour la naphtaline. Nous sommes en 1793, le collectif D'ores et déjà recrée le Comité de salut public qui ressemble à une réunion d'avant manifestation d'un syndicat étudiants. Mais sous leur barbe de trois jours et leurs pantalons trop courts, ce sont en fait Collot, Saint-Just, Barère et quelques autres qui entourent le frêle (corporellement) et inflexible (idéologiquement) Robespierre.

La première heure de spectacle est une sidérante et souvent hilarante discussion sur l'avenir de la France et les petites affaires personnelles de chacun. Les votes à main levée pour décider de la réforme de la justice ou du prix du grain s'enchaînent entre deux remarques sur le goût de la brioche qu'ils se partagent. La troupe de comédiens de Sylvain Creuzevault démystifie les personnages historiques en n'ôtant rien à leur rôle dans une époque charnière, grâce notamment au texte écrit au plateau à l'aide de documents d'époque. L'équilibre est parfaitement établi entre ce que ces jeunes gens ont vécu et ce que l'histoire a figé d'eux. Les thèmes majeurs de la démocratie sont abordés, la justice est déjà stigmatisée comme étant à deux vitesses, l'un des membres du comité rêve tout haut du concept de collectivisation... Avec Notre terreur, il est aussi (et surtout ?) question pour la troupe de croire en son art. Creuzevault et sa bande font confiance au théâtre, en sa capacité à faire grandir le spectateur. Très fort. Nadja Pobel

NOTRE TERREUR
Du mardi 29 mars au vendredi 1er avril, à la MC2 (Salle de Création).


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"La Jeanne de Delteil" : la cape et l'épée