Famille, je vous hais !


Tout commence par une scène qui sent le déjà vu ; un repas de noces, celles de Lise et Léo. Dès les premières minutes, le spectateur sent qu'il n'était pas convié à la fête. Les conversations s'enchaînent, se superposent, et il doit renoncer à tout entendre. La banalité des discours prête à sourire – entre la femme enceinte focalisée sur sa grossesse, les remarques de l'employé modèle tombant systématiquement à plat, les analyses toujours documentées et jamais intéressantes du journaliste et les réflexions du père, maître de cérémonie insupportable –, mais déjà on sent le conflit tout proche, prêt à éclater. Peu à peu, au fil des rencontres et des dîners entre les protagonistes, la vie rêvée se mélange avec la vie "réelle" et va jusqu'à se substituer totalement à elle. Les sourires figés du début font place aux visages prostrés ou hystériques, la sexualité s'affiche dans toute sa crudité et cette famille qui se dévorait symboliquement finit par faire jaillir le sang. Le Père Tralalère repose sur la volonté de livrer une pièce au présent. Pendant le dîner, un acteur commente les sujets qui ont fait la une du jour et le texte, jamais terminé, jamais fixé, évolue au fil des représentations. Pourtant, l'improvisation ne rime pas ici avec l'approximation. La justesse, l'engagement total des acteurs invitent le public à l'hilarité dans la première partie, à la surprise voire à la consternation à la fin de la pièce. Rarement on a pu voir une telle prise de risques sur une scène cette saison. Le revers de cette prise de risques est sans doute de trop en faire, de trop en dire, de trop en montrer. Dans Le Père Tralalère, tout y passe : la castration, l'inceste, la famille dévorante anthropophage et évidemment le meurtre du père, le tout exposé avec une violence visuelle et verbale inouïe. Alors oui, cela glace les spectateurs. Alors oui, on repense au Père Tralalère longtemps après la représentation. Mais finalement, on s'interroge encore sur les méthodes employées. Dorotée Aznar

Le Père Tralalère
Du mercredi 23 au samedi 26 mars, à la MC2 (Salle de Création).


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Sans naphtaline