Dessine-moi une fiction

Avec "Les enfants d'Icare", la Fabrique des Petites Utopies poursuit inlassablement son exploration des cultures lointaines et incite tous les publics à la contemplation onirique. FC


Les dernières pérégrinations de la compagnie l'ont porté jusqu'en Birmanie, nation sous la coupe d'un simulacre de gouvernement hostile, culturellement carnassier, et dans laquelle les artistes – c'est rien de le dire – ont plutôt du mal à s'exprimer. Perdurent cependant les traditions liées aux marionnettes, dont les mécanismes intemporels (et largement sacralisés dans le pays) continuent d'être animés par des passeurs vieillissants et une jeune scène à l'avenir pour le moins incertain. Bruno Thircuir, metteur en scène de la Fabrique, s'est donc mis en tête de créer un spectacle voulu comme un pont entre les sociétés birmane et française, pour lequel les membres de son équipe auraient créé des marionnettes de différents styles, afin de les incorporer à un récit pensé comme une exaltation de l'imaginaire. Un enfant d'argile y prendrait forme au gré d'aventures oniriques, contées par trois voix singulières. Il serait donc l'héritier du fils de Dédale, rêverait d'une île inatteignable, d'un roi obstiné, de machines aliénantes, d'un cosmonaute, d'un robot, et tomberait finalement amoureux.

Chaos debout

La scène du camion-théâtre de la compagnie est pour l'occasion transfigurée en décor de bric et de broc, constellé de chausse-trappes laissant apparaître les marionnettes bricolées pour le spectacle. Les enfants d'Icare a été écrit sous forme de dialogues filés, et réappropriés au fil des répétitions par les comédiens pour nourrir de multiples images, concordant vers un appel au rêve dans un quotidien morne et déshumanisé. La représentation qu'on a pu voir n'était que la deuxième – qui plus est, elle fut donnée sous un orage apocalyptique, à cause duquel les murmures poétiques finaux ont dû se faire un tantinet plus forts que prévu. Flanqué de ces fragilités, l'ensemble faisait encore état de problèmes de rythme, peinant notamment à l'allumage, mais il faut reconnaître à la Fabrique son don incontestable pour donner naissance à d'évocatrices images, relayées par une distribution, un scénographe et un metteur en scène investis par la transmission de leur passion théâtrale, sous des formes sans cesse renouvelées. Cette énergie, toute cahotante soit-elle, est précieuse.

Les Enfants d'Icare
Du 23 au 26 mars, à l'Espace 600


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