Chaperon rouge sang


Les romans composant le quatuor du Yorkshire de David Peace posaient la question de l'esthétisation d'une époque, de ses troubles, de tout son contexte socio-économique et surtout de son irrationalité mise en abyme par un habile détournement des codes du polar. L'adaptation, ou plutôt l'interprétation théâtrale de la compagnie Fraction et de son metteur en scène Jean-François Matignon, pose quant à elle une question encore plus ardue en livrant une transcription abstraite, cauchemardesque, aux leitmotivs envahissants. Comme on le disait en article d'annonce, le récit développé sur scène n'est pas tiré directement de l'œuvre de Peace, mais en constitue une extrapolation. Les meurtres de l'Eventreur du Yorkshire sont là, mais en toile de fond. Les immondes méfaits de l'Eglise ne sont pas du tout évoqués. Ce qui intéresse Matignon, c'est la création d'un agneau sacrificiel sur l'autel de l'Angleterre Thatchérienne. Campée par une Sophie Vaude aux saisissantes voix-off, Clare “Swan“ Ryan nous fait donc revivre son calvaire, consécutif à une conversation qu'elle n'aurait pas dû entendre. Suite à un problème technique « qui n'arrive jamais » et qui devrait être résolu pour les représentations au Théâtre 145, nous n'avons pu voir le spectacle qu'après une coupure de plus d'une dizaine de minutes après le premier acte, et sans la moitié des lumières, cruciales pour les ambiances voulues par le metteur en scène. Malgré cela, on a quand même pu jauger des qualités et faiblesses de Swan : un rythme tenu malgré des performances inégales, des tableaux évocateurs et d'autres plombés par un surlignage des intentions – comme si le metteur en scène s'excusait parfois d'aller dans l'abstrait, ou d'évoquer cette époque précise dans ce pays-là. En tout cas, la proposition est suffisamment audacieuse et originale pour vous tenir en haleine. FCSwan
Du jeudi 31 mars au samedi 2 avril à 20h30, au Théâtre 145


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Musique