Le Survivant

À 81 ans, Sonny Rollins est l'un des derniers mythes vivants de l'histoire du jazz. Il sera à Jazz à Vienne pour montrer, à coups de saxophone ténor, de quel bois se chauffent les légendes. Stéphane Duchêne


Difficile de choisir un artiste dans le programme 2011 de Jazz à Vienne qui a tout de ces listes de candidatures à l'un de ces Hall of Fame sportifs ou culturels dont raffolent les Américains. Mais sans doute, parmi la flopée de légende présente, il en est une qui sort du lot. De par son imposante stature d'abord, de par son âge ensuite (81 ans) et de par sa discrétion dans la légende. Point besoin en effet pour Sonny Rollins de traîner derrière lui des tubes éternels comme George Benson ou de porter des costumes clignotants comme le Supercalifragilisticexpialidocious Bootsy Collins. Rollins est la dernière légende vivante du be-bop qu'il découvre grâce à Charlie Parker et Thelonious Monk, un survivant du jazz qui a côtoyé et enterré Miles Davis et autres John Coltrane (autant d'artistes avec lesquels il a enregistré). Pas le moindre de ses exploits quand on sait que, dans les années 50, il passe dix mois en prison pour vol à main armée (à Rikers Island), puis quelques autres pour usage d'héroïne (un passage obligé pour pas mal de jazzmen de l'époque). Il se reconstruira pour se livrer à ce qu'il fera de mieux en jazz, la déconstruction-reconstruction, opérant en première ligne du virage hard-bop. Soit une réponse au cool jazz et un retour aux racines africaines de cette musique. En 1955, il refuse de rejoindre le quintet de Miles Davis et c'est un jeune inconnu qui le remplace au saxo ténor, un certain John Coltrane. Un an plus tard, Rollins sort l'un de ses albums mythiques, Saxophone Colossus, qui lui vaudra son surnom : Le Colosse. Mais il sera aussi le premier à innover en se produisant en trio saxe ténor-contrebasse-batterie, sans piano, inventant ainsi le strolling sa marque de fabrique. Où son instrument sert régulièrement d'élément rythmique et plus seulement mélodique. Parmi ses nombreux enregistrements, on note aussi Freedom Suite, un hommage politique à la culture noire. S'ensuivront des périodes sabbatiques où il se consacre à la philosophie orientale et des retours à la création pendant lesquels il se tournera volontiers vers le Rn'B ou le funk. Le 11 septembre 2001, Rollins vit à quelques pas du World Trade Center quand il se voit contraint d'évacuer son immeuble, n'emportant que... son saxophone. Cinq jours plus tard, il joue au célèbre Berklee College of Music de Boston. En 2007, à 77 ans, il rejoue au Carnegie Hall de New York, y fêtant les 50 ans de son premier passage. Un survivant. Sonny Rollins
Au Théâtre antique de Vienne
Lundi 11 juillet


<< article précédent
De l’éclectisme