L'image en marge


Si la rentrée littéraire à proprement parler ne concerne ni la littérature jeunesse, ni la BD, ces deux-là reçoivent nouveautés et parutions importantes entre septembre et novembre. Une rentrée qui ne dit pas son nom en somme. Concernant l'apparition du livre numérique, le décalage semble là plus que réel avec la littérature adulte « normale » : la nature de l'objet différant de manière essentielle par la présence de l'image. Gaëlle, de la librairie Les Modernes – spécialisée en jeune public –, est rassurée par le fait que « l'apparition des livres jeunesse en numérique est retardée », mais inquiète car les mutations numériques ne sont pour elle qu'une question de temps. « L'objet, le contact avec la matière, la transmission par l'accompagnement à la lecture » lui semblent irremplaçables, même si les nouvelles technologies pourraient rendre le « lecteur actif, interactif ». Alors, « qu'est-ce que ça veut dire par rapport à une histoire ? Je ne sais pas. Moi je suis perplexe, mais on verra bien. La librairie dans tout ça… reste-t-elle un lieu privilégié, un maillon de la chaîne graphique entre l'éditeur et le lecteur ? C'est lier le conseil et l'animation qui fait la différence aujourd'hui. » Pour elle, le souci pour l'instant, « ce n'est pas tant le livre numérique que l'achat par internet. Les gens viennent même prendre des références ici mais commandent ensuite sur Amazon. » Pour Cric, cogérant de Momie Folie et scénariste de BD, « internet c'est de l'information, de la prépublication, tant que ce sera des pages scannées, ce ne sera pas une vraie concurrence. Alors, est-ce que demain on fera des choses plus pensées pour internet, avec image et son ? Pour le moment, nous, les auteurs, ne sommes pas inquiets : mettre du son avec l'image, c'est ringard, l'animé avec peu d'images, c'est ringard, et le vrai animé devient du dessin-animé. » Pour ces libraires, l'incertitude de l'avenir est encore abstraite bien que menaçante, tapie dans les potentiels technologiques à venir, mais l'objet et sa transition par un espace humanisé – la librairie – restent une plus-value impériale. Jusqu'à quand ? LG


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Une rentrée littéraire prudente