La Fée

De et avec Dominique Abel, Fiona Gordon, Bruno Romy (Fr-Belg, 1h33)


Y a-t-il un axe cinématographique franco-européen dont le port d'attache serait Le Havre ? Avant le film de Kaurismaki, c'est le trio Abel, Gordon et Romy qui y a posé sa caméra, avec des idées assez similaires et des références communes (Jacques Tati, ombre écrasante). Ici, un gardien de nuit apathique rencontre une fée qui lui propose d'exaucer trois vœux. Le garçon, ayant aussi peu d'idées que d'idéaux, demande une nouvelle bécane et de l'essence à volonté. Quant au troisième vœu, infiniment repoussé, il devient le gimmick principal des (rares) dialogues du film. Les trois réalisateurs-acteurs déballent donc leur habituel folklore poétique très «arts de la rue», qui atteint ici une laideur visuelle consternante. Le ballet aquatique ou la poursuite finale, par exemple, représentent une certaine idée du j'men-foutisme esthétique, où le bricolage devient une excuse à l'incapacité à créer de l'illusion. Plus ennuyeux encore : la manière dont ils font rentrer au chausse-pied la politique dans leur bazar, et notamment la question des sans-papiers. Quelque chose ne colle pas entre la naïveté agressive de leur univers et leur prétention à aborder, avec la même nonchalance, des sujets sérieux. Sans doute cette façon, pour le coup très consciente, de se mettre du côté des opprimés, et s'autoriser ainsi toutes les caricatures envers les méchants (capitalistes, passeurs, flics…). C'est un peu comme si le clown Bozo faisait un discours de Jean-Luc Mélenchon : ce serait plus embarrassant que militant. CC


<< article précédent
Corps à corps