Photo nostalgie


Jean-Antoine Raveyre officie de manière méthodique : idée de plan inspirée par un tableau ou un texte, recherche historique, recherche d'objets, mise en scène, cliché. La démarche s'apparente à celle d'un cinéaste, elle en a certaines qualités narratives, pourtant chaque scène reste figée dans une étreinte froide. Non pas celle de la photographie : instantanée et légère ; mais une accolade calculée, solide, rigide. La reproduction de scènes en papier glacé se soucie du réalisme au point de le décrédibiliser, créant une subtile parenté avec la tradition picturale occidentale. Trouvés par l'artiste dans des brocantes ou sur le fameux site leboncoin.fr, les objets du décor reconstituent des intérieurs et des époques avec une précision maniaque, faisant des personnages sans sourire cloitrés dans l'image les messagers d'une sorte de nostalgie désincarnée. Le photographe persiste dans l'utilisation de l'argentique, ce qui, à l'heure des expérimentations numériques, atteste d'une tendresse particulière pour le passé. Loin de la mode retro, on se trouve plutôt dans le laboratoire d'un archiviste méticuleux, répertoriant des intérieurs comme un collectionneur rangerait ses précieux insectes dans des boîtes. Troublant univers un peu voyeur, dont l'immortalité confiante semble remercier l'arme du crime : l'appareil ; et dont le cœur agissant – l'artiste – s'amuse de son pouvoir dans un autoportrait sanguinolent, le représentant avec une oreille en moins, le regard perdu dans un miroir sale. Si le spectateur ne l'avait pas compris, il sait dès lors qui est le maître des lieux.Jean-Antoine Raveyre
Jusqu'au 15 oct, au Vog


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