Science friction

FESTIVAL/ À la fin du mois débuteront les Rencontres-i, organisées par l'Hexagone de Meylan. Une biennale arts-sciences en plein développement qui s'impose petit à petit comme l'un des évènements culturels de l'agglo les plus excitants. Rien que ça, oui. Aurélien Martinez


La science d'un côté, l'art de l'autre. Les deux se regardent en chien de faïence. « Pourquoi vient-il me sucrer une part de budget pour des bagatelles de bobos quand moi, je travaille pour l'avenir de l'humanité ? » s'exclame la première, sûre d'elle et de sa légitimité. « Espèce de technophile sans aucune humanité qui va nous mener droit dans le mur » lui rétorque le second, d'un ton dénigrant et méprisant. Le décor est planté : on pourrait avoir ici affaire à un western moderne où deux mondes qu'a priori tout oppose s'affronteraient dans une lutte sans merci. Mais rien de tout ça. Car l'on est à Grenoble, là où rien ne se passe jamais comme on l'attend. Grenoble : une terre d'asile pour les scientifiques les plus réputés, carrément surnommée la « Silicon Valley » à la française par les plus ambitieux du fait de son positionnement en recherche et développement. Un territoire riche en laboratoires, universités et entreprises, également généreusement pourvu niveau culturel, à la grâce de politiques passées volontaristes (on cite souvent le Conseil général dans ce cas-là, alors citons-le) et d'acteurs locaux extrêmement impliqués. Ce qui fait dire là aussi aux plus ambitieux que niveau offres culturelles par habitant, si on enlève Paris, Grenoble serait dans le haut du tableau des villes françaises.

Une histoire d'amour

La science et l'art : ces deux mondes devaient donc se rencontrer à Grenoble. C'est l'Hexagone de Meylan, la deuxième scène nationale de l'agglo, qui se dévoua pour faire les présentations. En 2003, son directeur Antoine Conjard crée les premières Rencontres-i – avec un « i » pour imaginaires, comme élément nécessaire à l'aventure. Avec la volonté de jeter des ponts entre les deux domaines. Un projet dans lequel le CEA Grenoble (pour Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives), véritable star nationale et internationale du monde de la science, s'investit tout de suite. Cet amour fulgurant donnera naissance en 2007 à l'Atelier arts-sciences, un « lieu commun de recherche et d'expérimentation pour artistes et scientifiques » niché au cœur du CEA. L'entente est donc cordiale entre les deux univers, et la biennale, confiante, poursuit sa route, prenant des forces et de l'ampleur au fil des ans.

Programme pléthorique

Après une édition 2009 en deux temps difficilement assimilables, les Rencontres-i 2011 seront judicieusement resserrées. Sur onze jours, le public pourra déambuler dans des expositions, assister à des colloques, des conférences, des parcours, des ateliers… Et, surtout, découvrir des spectacles originaux, aux croisements entre plusieurs arts, qui essaient chacun à leur manière de réinventer le rapport intime qu'a le spectateur à la scène. Évidemment, tous les artistes programmés ne convoquent pas explicitement la science sur le plateau, mais ils élaborent néanmoins des propositions audacieuses et exigeantes que l'on ne voit habituellement pas dans les théâtres traditionnels (par exemple, ce sont les Rencontres-i qui, pour la première fois à Grenoble, ont présenté Antoine Defoort, vu ensuite à l'Arpenteur et à la MC2). Et c'est justement ce qui donne toute sa pertinence à cette aventure. En créant une osmose entre artistes et scientifiques, et en donnant à voir le résultat au public avec une attention toute particulière accordée à la forme, les Rencontres-i deviennent un des évènements phares de l'agglo, qui embrasse l'avenir avec une intelligence novatrice. Même si, évidemment, il reste encore du chemin à parcourir à l'équipe du festival pour l'imposer comme une manifestation incontournable au niveau régional, voire national et européen. C'est tout le mal qu'on lui souhaite !

LES RENCONTRES-I
Du jeudi 29 au dimanche 9 octobre, dans toute l'agglomération. Programme complet la semaine prochaine en pages agenda, ou sur www.rencontres-i.eu


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