La bataille continue

Après être sorti du champ de mines de son amorce de redressement économique, le festival Rocktambule attaque cette semaine sa 17e édition, avec son armée du Pôle Musical d'Innovation. Rencontre avec le président de l'association. Propos recueillis par François Cau


Le festival de l'an dernier vous a-t-il sorti la tête de l'eau ?
Laurent Ageron :
On a réussi à stabiliser la structure grâce à sa réussite. Je crois qu'on a atteint 95% de taux de remplissage, ce qu'on ne fera probablement qu'une seule fois, mais c'était au moment où il le fallait. On est allés sur des choses qui nous paraissaient évidentes ou simples à faire en termes de programmation, notamment revenir sur le reggae, ce qu'on n'avait pas fait depuis des années. Pouvoir accueillir le public sous le chapiteau était une bonne formule, parce qu'en plus on a recréé notre identité, chose qu'on avait perdue à être disséminé dans toutes ces salles. Avec le village, le chapiteau, le travail des bénévoles, ça a aussi ramené une cohésion dans l'équipe organisatrice et dans le public. Tout le monde est resté soudé, a retroussé ses manches, on a accompli un boulot de fond entre 2010 et 2011 qui a été assez impressionnant.

Diriez-vous que le travail de l'association était trop éclaté jusque-là ?
Pas forcément… L'association a 17 ans, et passé un moment, t'en arrives à prendre des habitudes dans les collaborations, les mécanismes. Même si le Conseil d'Administration a été pas mal renouvelé, il y avait une certaine routine, et on est arrivés dans un contexte où cette routine ne pouvait plus continuer, et c'est ça qui a vraiment éclaté. Il y a alors eu une redéfinition profonde du projet, et pendant ce temps, les structures qui ont adhéré au fur et à mesure au sein du PMI ont trouvé leur place, et ont apporté énormément de choses.

Trois ans en arrière, vous évoquiez l'éventualité d'une mutation du festival, vers une plus grande appropriation de l'espace public. Même si le modèle que vous gardez pour le festival fonctionne, n'êtes-vous pas frustré ?
Oui, d'une certaine façon, après… C'est vrai qu'il y a beaucoup de projets qu'on aimerait développer, être présents partout dans la ville, faire différentes actions. Le fait d'avoir cette contrainte économique d'obligation de recettes fait qu'on va privilégier du concert avec une entrée payante, et forcément, on ne peut pas lancer des projets qui doivent trouver d'autres sources de financement. On a quand même réussi cette année à croiser le festival avec la Fête de la science, sur le travail qu'on mène avec la ville de Pont-de-Claix. Le samedi 15 octobre après-midi, on aura une création de SZ. Mais c'est le seul projet de ce genre qui va être mené.

Le modèle associatif tel que vous le défendez depuis vos débuts est-il encore viable aujourd'hui ?
Non. Sur toutes ces années, la période qui a été la plus intéressante est la phase des emplois jeunes, où le gouvernement de l'époque est vraiment parti sur l'idée de favoriser la création d'emplois, l'émergence de nouveaux projets. Le Maire de Grenoble l'a peut-être oublié, mais la ville a vraiment été un moteur à ce niveau, il y avait à cette période une réelle effervescence, quelque chose d'hyper intéressant. Puis c'est tombé dans l'oubli petit à petit, on a perdu pas mal de financements, et après coup, aujourd'hui, la génération des emplois jeunes embarrasse pas mal la ville de Grenoble. On est revenus sur de la précarité, il est difficile désormais d'imaginer une association avec des postes de permanents pérennes. On n'a plus de possibilité d'avoir un coût de fonctionnement, même minime.

Est-ce qu'une refonte totale des statuts associatifs, pour contrecarrer sa déconsidération par les pouvoirs publics, est possible ?
Aujourd'hui, dans tout le milieu associatif et dans toute la France, il y a une mobilisation de plus en plus forte. Dans les secteurs social, médical, culturel, les gens témoignent de l'inquiétude, du désespoir aussi. Ils sont là depuis trente ou quarante ans et ils ressentent une grande impuissance par rapport à ce qui est en train de se passer. Mais je pense que le chantier à reprendre se situe aussi du côté de l'économie sociale et solidaire. Redéfinir la place des structures qui sont là pour créer de l'activité sur un territoire, pour aller à la rencontre de la population, des habitants, être sur le bénévolat, aller toucher des publics en grande précarité, leur permettre de se réinsérer ou de retrouver du contact avec d'autres personnes… Il y aurait beaucoup de travail à faire. Le gouvernement ne va pas dans ce sens, c'est évident, et les collectivités ne peuvent plus assumer.

Rocktambule
Du 12 au 22 octobre, lieux divers.
Détails de la programmation en pages agenda et sur http://www.rocktambule.com


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