La science des rêves


THÉÂTRE D'IMAGES / Un radeau en carton perdu en pleine mer. À son bord, un petit groupe d'hommes et de femmes, métaphore de l'humanité tout entière. Sur le carton, il est inscrit "fragile", en grosses lettres rouges. Ensuite, on découvrira, enfermés dans des boîtes, d'étranges bébés aux têtes d'adultes. Ou encore, plus tard, un paysage désertique, sorte de terre promise pour la tribu. Visuellement, c'est grandiose, splendide : un art magistral de la composition scénographique que l'on doit à Philippe Genty (et sa collaboratrice Mary Underwood). Depuis quarante ans, l'artiste développe un langage poétique qui lui est propre, fait de croisements entre pantomime, danse, cirque et marionnette. Ce qui donne un théâtre d'images onirique et fédérateur, comme dans Voyageurs immobiles, son succès de 1995 recréé pour une nouvelle tournée. S'écartant d'un canevas narratif traditionnel, Genty invente des tableaux suffisamment suggestifs pour élaborer un discours, sans pour autant enfermer l'imaginaire – il compare d'ailleurs ses tableaux à des « paysages intérieurs ». Car pour raccrocher les wagons, l'homme fait confiance au spectateur, qui peut ainsi imaginer ses propres connexions. C'est déroutant par moments, mais si l'on accepte le parti pris, le voyage est enivrant. 
AM


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