Guerres et paix

THÉÂTRE BURLESQUE / Semianyki, ce sont des clowns muets et sans nez rouge qui campent une famille totalement déjantée et survoltée. Auréolé d'un impressionnant succès depuis sa création à Saint-Pétersbourg en 2003, le spectacle s'offre une nouvelle tournée en France. Aurélien Martinez


Il y a la mère, le père, et leurs quatre enfants. Dans un décor proche du bric-à-brac de brocante, on découvre leurs relations intimes, passionnées et énervées. Un thème universel, évoqué dans tous les arts. Les clowns de Semianyki s'emparent de ce schéma largement rebattu, en y adjoignant une grande dose de burlesque, avec pour mot d'ordre de ne jamais lésiner sur les effets. Donc, quand les enfants essaient par tous les moyens de tuer leur père, ils y vont à coups de sparadrap et de pinces à linge. Un père qui, porté sur la bouteille, menace alors de les laisser seuls, quitte à abandonner par la même occasion sa femme, outrageusement affectueuse et enceinte jusqu'aux dents. Un ballet à six qui prend forme sans qu'aucune parole ne soit prononcée : tout est dans l'art du geste qui fera mouche ; ce qui n'exclut pas des moments de poésie pure, quand ces mêmes clowns, derrière leurs maquillages exagérés, leurs manières rustres et leur luttes intestines pour le pouvoir, arrivent à toucher du doigt certains des sentiments les plus fins.

Les chiens ne font pas des chats

Issue d'une illustre troupe de cirque qui évoluait dans l'URSS des années 70, la bande Semianyki (famille en russe) s'est récemment recentrée sur une plus petite formation, avec des interprètes venant de l'École de théâtre de clown et mime de Saint-Pétersbourg. D'où une maîtrise sophistiquée et quasi-scientifique des codes de la pantomime. Ainsi, si certains personnages semblent légèrement moins bien dessinés et écrits que d'autres, deux d'entre eux emportent la mise : la mère d'abord, qui plante le décor dès la scène d'introduction ; et le fils surtout, malicieux séditieux qui dispute à son père le rôle de chef d'orchestre. Le tout avec une énergie revigorante, et dans une constante adresse envers le public, dont les membres réceptifs finiront la représentation dans le même état que cette famille totalement atypique : dans une joie partagée nourrie par un final littéralement explosif. De temps en temps, des spectacles de la sorte, ça fait du bien !


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Le mauvais et le beau