Un tigre dans le moteur


Grâce au film Broken flowers de Jim Jarmusch, le jazz éthiopien a enfin glané la reconnaissance qu'il méritait – en même temps, mettez n'importe quel air sur des images d'un Bill Murray mélancolique en train de conduire, et vous pouvez réhabiliter la musette ou même le zouk en un tournemain. Ce travail d'indispensable défrichage a été brillamment soutenu par la collection de compilations Ethiopiques parues chez Buda Musique, tandis que diverses formations se sont appropriées de près ou de loin cette riche influence. Le groupe suisse Imperial Tiger Orchestra par exemple s'est spécialisé dans les reprises de titres emblématiques du répertoire éthiopien, bousculés par des relectures actualisées à coups de petites touches rock ou électro, ou de l'ajout d'une guitare thaï. Invités par Francis Falceto, instigateur de la série des Ethiopiques, à se produire au festival des Musiques Ethiopiennes à Addis-Abeba en 2009, où ils ont pu se frotter aux plus importants artistes du cru. L'expérience leur a inspiré un album portant le nom de la capitale Ethiopienne, enfonçant encore un peu plus le clou de leur démarche. Un rien figée sur CD, où seuls les érudits du son éthiopien pourront se hasarder à de timides sourires, leur musique prend une spectaculaire ampleur sur scène, honore son vibrant héritage et affirme ses singularités, au service d'une efficacité à même de faire remuer les corps en ces temps sinistrement frigorifiés. 


<< article précédent
Adrien Mondot : « C’est fascinant comment le seul mouvement d’un point peut évoquer tout un tas de choses »