Tout un poème


Yves Bonnefoy, l'un des plus flamboyants poètes français, explique qu'il y a « malentendu profond entre le lecteur et la poésie », le premier ayant « le désir de trouver la signification du texte », et concluant souvent que « la poésie, c'est parler pour ne rien dire ». Il fait là l'évident constat du désarroi général face à l'absence d'un sens immédiat, facile à appréhender. Or, c'est bien l'essence de la poésie que de justement contourner l'évidence, jouer avec le langage, le libérer des chaînes de la raison pure et de l'exigence de sens du « discours conceptuel ordinaire ». Le poète incarne ce noble combat, mené par les mots, orienté par la fantaisie, et tendu vers le dévoilement de ces « forces qui à la fois nous composent et nous déchirent ». Cette contradiction fondamentale qui, inlassablement, se détermine comme centre de gravité, engageant le lecteur à se projeter personnellement dans l'expérience poétique. En bon critique, essayiste et homme dévoué non seulement à l'art qu'il pratique en virtuose mais aussi à sa réception – en d'autres termes, son devenir dans l'interprétation du lecteur -, Yves Bonnefoy compte parmi ceux qui nous rappellent le bonheur de l'introspection au détour de ces bijoux salis par leur usage au quotidien : les mots.
Laetitia Giry


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«Je fais mes classiques»