L'ascension des sommets

Marc Minkowski a attendu avant de passer son Bach. Mais, après "La Messe en Si" et "La Passion selon Saint Jean", c'est au tour de Saint Matthieu de recevoir sa convocation. Régis Le Ruyet


Marquant les célébrations de la semaine Sainte, La Passion est ordinairement interprétée le vendredi précédent le dimanche de Pâques. Une évocation lyrique des souffrances de Jésus qui appelle le fidèle à exalter sa foi. Des quatre Passions qu'écrivit Jean-Sébastian Bach pour les offices de l'église de Leipzig (dont il fût maître de chapelle de 1723 jusqu'à sa mort), seuls La Passion selon Saint Matthieu et selon Saint Jean ont traversé le temps pour parvenir jusqu'à nos oreilles. Et deux ans après une évidente Saint Jean à la MC2, le chef et les Musiciens du Louvre Grenoble prennent place dans l'auditorium, pour interpréter la sublime Saint Matthieu. Dans la continuité de La Messe en Si et de La Passion selon St Jean, Marc Minkowski défend l'intuition d'une lecture solistique. Et confie à seulement huit voix le soin d'assurer les arias et les parties de chœurs. L'ensemble orchestrale, bien que réduit, sera lui multiplié par deux, avec de part en part orgue et solistes. Car vraisemblablement inspiré par la présence de deux orgues dans l'église, Bach a imaginé en 1729 une Passion selon Saint Matthieu stéréophonique.

Clouer sur place

Plus longue de quarante cinq minutes sa cadette, la cantate s'élance sur deux heures quarante. Une longueur qui se justifie par le fait que la Saint Matthieu comporte des épisodes supplémentaires, comme ceux du parfum et la cène. Des séquences gommées par la petite sœur qui débute par l'arrestation du Christ. Pourtant, cette œuvre composée par celui que l'on nomme également le cinquième évangéliste, ne souffre d'aucune faiblesse. Tant par la qualité et la variété des airs et des chœurs, que par sa piéter que suscite chez l'auditeur l'âme de la Passion. Du chœur introductif processionnel qui ouvre la marche vers le chemin de croix, jusqu'à la mise en linceul, la cantate transfigure les tableaux des stations. Bach y a mis toute sa science et sa croyance, dans une œuvre considérée, comme l'un des sommets himalayens de la tradition luthérienne liturgique. Pour interpréter ces louanges, Marc Minkowski a repris une partie du casting de La Saint Jean. Ainsi, Markus Brutscher et Christian Immler endossent à nouveau les vêtements de l'Evangéliste et de Jésus. Le public aura certainement gardé en mémoire, leurs jeux intenses et dramatiques qui avaient alors donné chair à cette précédente Passion.

 

 


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