Fessée panachée

Pour les 300 ans de la naissance de Rousseau, la Bibliothèque Municipale sort ses plus belles archives - manuscrits, gravures, tableaux... Et les regroupe dans une exposition pour le moins foisonnante, pensée dans le respect des multiples facettes de cet Homme-personnage, embrassant de façon surprenante les différents héritages et continuités de son œuvre. Laetitia Giry


Ce n'est un secret pour personne : Jean-Jacques Rousseau, philosophe de son état, grand penseur du siècle des Lumières (le dix-huitième, celui qui prépare la refonte révolutionnaire amorcée en 1789) est un peu le père spirituel de l'écologie (amour des balades dans la nature, peur et critique de la vilaine marche de l'industrialisation), en même temps qu'une référence absolue en termes d'éducation (on pense à l'Emile, si mal reçu à l'époque). La première partie de l'exposition, honnête, salue ces acquis de manière quelque peu démonstrative, par un accrochage à l'allure fouillis mais original, soutenu par des notes précises et instructives. Si la seconde partie se présente quant à elle sous une forme plus conventionnelle (étant essentiellement constituée de gravures, manuscrits et livres ouverts sous verre), elle se distingue par l'intérêt de son contenu et la présence de certaines pièces aussi rares que précieuses. On constate que les héritages moins évidents de la pensée de Rousseau sont partout : chez les résistants et les collabos, les romantiques, les révolutionnaires et les socialistes, dans la psychanalyse ou bien encore chez Sade…

Surmoi sur Rousseau

Celui que Lacan qualifiait de « paranoïaque de génie » nous apparaît aujourd'hui comme un névrosé évoluant sur tous les fronts, dont le premier (mais pas unique) sujet d'observation n'est autre que son moi. Parce que sa première fessée punitive lui « avait laissé plus de désir que de crainte », et que son récit dans les Confessions reste un monument littéraire sans commune mesure, Rousseau s'impose comme une sorte de précurseur dans l'expression du duo plaisir souffrance. Des gravures explicitement licencieuses et fort bien conservées égayent le parcours du visiteur ; comme celle présentée ci-contre, illustration d'un Traité du fouet écrit par un anonyme que l'on sait aujourd'hui être un ami d'une certaine Madame de Warens (elle-même maîtresse d'un certain Rousseau !). Indubitable mine d'or pour les psychanalystes, il est aussi modèle et puits d'idées pour le parti politique – soyons positifs – bientôt au pouvoir : Jaurès le considérait en effet comme « le premier germe du socialisme français »

Avatars de Rousseau

Jusqu'au 26 juin à la Bibliothèque Municipale d'Etude et d'Information


<< article précédent
"Cent culottes et sans papiers" : cent fois oui