Un disque à la gum : retour sur #3, l'album culte de Diabologum


«Les Diabologum ne sont rien et leurs zélateurs moins que rien». À la sortie de #3 en 1996, le bien nommé troisième album de Diabologum provoque des réactions épidermiques. Celle-ci est signée Rock & Folk, qui qualifiera les Toulousains de «groupe à la gomme». C'est que #3 surprend, comme une gifle à laquelle on ne s'attend pas. Jusque-là, sur C'était un lundi après-midi semblable aux autres ou Le Goût du jour, Diabologum, formé en 1990 et signé sur le mythique label Lithium, véritable labo du rock et d'une chanson française non encore affublée de l'épithète à claques «nouvelle», évolue dans l'expérimentation (collages, samples, critiques des médias et de l'art officiel) et le second degré lo-fi et low-profile. #3, dont la pochette nuageuse est affublée de cette phrase Ce n'est pas perdu pour tout le monde, c'est une tout autre mayonnaise : un laboratoire dans le laboratoire, du bromure dans le Lithium, dont l'art, au cynisme et à l'idéalisme réversibles, culmine ici dans un surprenant fatras sonique jonché de saillies crypto-situationnistes qui n'ont pas vieilli d'un pouce. Entre tubes au gaz moutarde (De la neige en été, 365 Jours ouvrables, A découvrir absolument, Il faut...) et hommages (une scène entière de La Maman et la Putain de Jean Eustache samplée, reprise du Blank Generation de Richard Hell), jamais Diabologum n'aura autant semblé en ordre de bataille rangée. Meta-punk, rock post-moderne, hip-pop, énigmatique, inclassable, le site Anticipatory plagiarism l'analyse, à raison, comme un sorte de Stalker musical, un «voyage aux confins de l'aventure et de l'inconscient» où «la banalité sympathise avec l'abstraction», comme l'écrira Cloup plus tard. Les Inrocks comme «une bombe incendiaire». Culte et introuvable aujourd'hui, et suite à la reformation éphémère du groupe l'an dernier, #3 est en passe d'être réédité : «c'est en bonne voie, assure Michel Cloup. Il y a beaucoup de gens de 25, 30, 35 ans qui ont découvert le groupe sur le tard, une fois séparé. On veut vraiment réaliser un bel objet qui marque le coup avec des inédits, parce qu'on est un peu tristes que ce disque ne soit plus disponible». On envie ceux qui auront la chance de le découvrir pour la première fois.
SD


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