Lues et approuvées

"Regards croisés", le traditionnel festival grenoblois consacré au théâtre contemporain, revient pour la douzième fois. Avec une sélection très jeune et homogène. AM


« Le théâtre est un des derniers lieux où nous pouvons encore nous questionner sur notre sort collectif en réinterrogeant sans cesse notre place dans la société lors d'un rassemblement, le temps d'une (re)présenation » écrit Magali Mougel, auteure associée à Troisième bureau, pour introduire l'évènement Regards croisés. Une assertion, discutable dans les deux sens (reste-t-il si peu de lieux de la sorte ? et surtout, le théâtre réinterroge-t-il constamment notre place dans la société ?), qui illustre à merveille la philosophie qui anime l'équipe de Troisième bureau, collectif pluridisciplinaire qui s'est donné pour mission de promouvoir et défendre les écritures théâtrales contemporaines. Sur cinq soirs, des pièces d'hommes et de femmes bien vivants seront lues par différents comédiens, dont certains souvent vus dans la sphère théâtrale grenobloise. Des moments qui se termineront à chaque fois par le traditionnel Café des auteurs, pour rencontrer ceux qui ont composé les textes choisis.

Ma cité va craquer

« Par où commencer ? » : tel est le titre de cette douzième édition du festival, qui a invité des dramaturges à la vision assez sombre. Leur plume est souvent rapide, élancée, comme d'un seul jet, à l'image de celle du Portugais Pedro Eiras, qui dévoilera Une forte odeur de pomme : une œuvre dans laquelle de nombreux personnages, tous tenus par des liens familiaux ou amicaux, s'affrontent le temps d'un repas – le temps d'une existence même – sans parvenir à s'écouter, et notamment à prendre en considération celui qui souffre. On croisera aussi Laura Tirandaz, ancienne du Conservatoire de Grenoble, qui viendra avec Choco Bé, tragédie subtile se déroulant en Guyane, terre de tension en tous genres ; ou encore Ulrich Hub, Allemand qui a livré L'arche part à huit heures, excellente pièce humoristique pour tous (à partir de 6 ans). Mais celui qui dépeint sans doute le mieux la thématique de cette année est le jeune auteur allemand Nis Momme Stockmann (photo). Celui qui commence à être très reconnu outre-Rhin présentera, sur une soirée (celle du samedi), deux textes bruts et vifs qui, sans avoir l'air d'y toucher, auscultent finement l'époque contemporaine telle que la vit Stockmann : celle des banlieues abandonnées par la société qui ignore ses habitants, et celle de la réussite à tout prix, où les individus finissent broyés à force de vivre une vie qui n'est pas la leur. Par où commencer pour s'en sortir ? Si le cheminement n'est pas forcément évident, avec Stockmann, il est carrément violent.


Regards croisés, rencontres internationales sur les nouvelles dramaturgies
Du mardi 22 au samedi 26 mai, au Théâtre 145.


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