Et tout se meurt


Sculptures et dessins / Blocs de béton gris tenant debout sur le sol gris, dessins au crayon, déclinés dans des nuances de… gris. La série d'œuvres d'Alexandra Pellissier conçue pour l'exposition Shunt manifeste une même obsession par différentes entrées : celle de l'équilibre. L'équilibre ténu des dégradés du crayon, incessamment tendu vers la lutte contre le blanc et l'évidence de son vide, celui du motif des dessins : agencement précaire de matières propres à la construction de bâtiments, reproduites à partir de maquettes miniatures. La légèreté du trait crayonné répond au poids des sculptures (approximativement 350 kilos), qui elles-mêmes semblent en suspension, profitant des déficiences de la perception humaine. Tout a l'air simple, facile ; pourtant, on soupçonne que ce « tout » nécessite moult efforts : physiques (pour la taille et le déplacement des blocs), de patience et de minutie (pour la rigueur réaliste des dessins). Car c'est à  partir de la réalité que l'artiste investit les espaces du papier, les remplit, avec à la fois l'assurance de manipuler un objet stable et solide, et l'inquiétude sous-jacente à tout projet de construction : sa destruction, son érosion, sa désintégration. Ainsi introduit-elle la notion de temps dans ses œuvres : par le gris, non-couleur et conscience de la vocation des objets à disparaître, elle risque l'effondrement de leur équilibre dans l'effacement à venir.

Laetitia Giry

Alexandra Pellissier - Shunt, jusqu'au 30 juin à l'Espace Vallès


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