Ceci n'est pas un objet

MJC Lucie Aubrac, Capuche, juin 2012 : on nous informe que le musée de Grenoble aurait sciemment déposé un fonds d'œuvres en lien avec la représentation de l'objet du quotidien dans l'art… Vérification s'impose, tout le monde sur le pont ! Laetitia Giry


Oui, le Musée de Grenoble a de nombreuses bonnes habitudes, dont celle d'organiser des « Hors les murs », expositions décentralisées vers des quartiers de Grenoble dits défavorisés, notamment en termes de propositions culturelles institutionnelles. A la Villeneuve l'an passé, avec une sortie réussie de quelques sculptures du plus bel effet, l'évènement se déroule cette année dans le quartier Capuche. Occasion de présenter des bouts de collection, de toucher d'autres publics et d'une autre manière, importante opération de médiation : l'entreprise a tout pour plaire. Et il s'avère que Mirages du quotidien tient ses promesses avec panache en regroupant treize œuvres accessibles et stimulantes, de six artistes ou collectif actifs dans les années 60-80. Après les révolutions esthétiques, après le surréalisme et l'abstraction, simultanément au rejet radical du formel et de tout carcan, ces artistes abordent l'objet avec humour, désinvolture, et sans complexe.

Alors c'est quoi ?

Comme Magritte avec son fameux Ceci n'est pas une pipe, les artistes (moins connus) montrés ici s'échinent à construire une réalité parallèle – celle de l'œuvre –, en utilisant l'objet banal comme matériau. Sa représentation, plus ou moins réaliste, implique à la fois la perte de substance : en effet, l'objet n'a d'autre être purement réel que celui qu'il occupe matériellement dans l'espace palpable ; et à la fois son renouveau dans l'interprétation de l'artiste, sa seconde existence, conceptuelle, insufflée par le geste de l'homme et activée par le regard du spectateur. Problématique largement centrale que Joël Kermarec investit par exemple avec son Fauteuil fond vert, drôle de peinture donnant à voir un fauteuil organique et apparemment trop flasque pour être une honnête et fidèle reproduction. Affublé d'un cercle couleur chair, posé sur un fond bleu qui contredit vaillamment le titre du tableau, il nargue avec malice le bon sens. Tout comme La mer dans la chaise longue de Lucio Fanti, insertion d'une image-idée dans un objet, mutation dans la fusion et divagation onirique. Ou bien les collages de notre favori, Roman Cieslewicz, qui dit vouloir reproduire « une sorte de polaroïd des rêves »…

Mirages du quotidien, les artistes et l'objet, jusqu'au 22 juin à la MJC Lucie Aubrac


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