Le drapeau noir flotte sur Grenoble

Depuis dix ans, l'espace autogéré Antigone, tenu par des bénévoles, organise des rencontres et des débats, surtout sur des sujets politiques. Mais en plus d'une agora, Antigone abrite avant tout une bibliothèque fournie. Benjamin Bultel


Dans la tradition grecque, Antigone, la fille d'Œdipe, symbolise la résistance face à la loi du plus grand nombre, celle du pouvoir en place. Le café-librairie-bibliothèque, créé par l'association éponyme, porte bien son nom en tant que lieu « d'agitation politique », dixit les statuts déposés en préfecture. Pourtant, le bâtiment, au 22 rue des Violettes, avec sa sage façade uniformément grise, ne paye pas de mine. Derrière la grande porte de garage qui sert d'entrée, un petit salon – canapés, fauteuils, parasol – est lové, à côté du comptoir. Et puis, bien en évidence, l'infokiosque où s'étalent brochures et journaux. « Dix ans que l'endroit a ouvert », rappelle Aurélie, une des membres fondatrices.

Bibliothèque anar

À l'origine du lieu, en 2002, un constat fait par une bibliothécaire et une instit. Celui de la difficulté de trouver des livres en référence à l'anarchisme, mais aussi aux luttes actuelles en général, dans les bibliothèques et les librairies traditionnelles. D'où l'idée de créer un espace qui réunirait de tels ouvrages. Car Antigone est avant tout une bibliothèque, tenue par des bénévoles, qui rassemble près de 6000 titres, en premier lieu des écrits politiques et sociaux, mais aussi des romans (attention, peu de chances d'y trouver le dernier Marc Lévy), des bédés et des livres pour enfants. Le catalogue des livres disponibles est d'ailleurs consultable en ligne, sur le site d'Antigone. Pour Simon, un bénévole, la bibliothèque est un lieu de « préservation et de partage » d'un savoir hétérodoxe et d'une contre-culture, à une époque où l'uniformisation et la spécialisation des individus semblent dominer.

D'une élection à une autre

Antigone est née dans un contexte particulier, l'entre-deux tours de l'élection présidentielle de 2002. Alors que les appels à faire blocage au FN se succèdent, les membres de l'association, en dignes héritiers de Proudhon, invitent à ne pas voter. D'abord installée à Fontaine, dans un ancien local des Témoins de Jéhovah, ça ne s'invente pas, Antigone migre en 2005 rue des Violettes, grâce à un adhérent qui achète un local, avec l'héritage qu'il vient de recevoir, et le met à disposition de l'asso. Le partage des richesses en action. L'occasion pour les membres de réfléchir à un nouveau fonctionnement, « plus horizontal » – plus en adéquation avec leurs idéaux politiques – et de retaper collectivement le local. En dix ans, Antigone a fait son trou et est devenue « une porte d'entrée, une passerelle vers la politique ». En plus d'être un lieu de convergence pour les militants, c'est aussi un lieu de partage, d'utopies, de contre-culture, bref un lieu de vie. Les événements ponctuels ont laissé leur place à des cycles de discussions et d'échanges, comme le ciné-club, les rencontres avec des auteurs ou des chercheurs, ou encore les ateliers de formation politique. Voire à d'intenses moments de réflexion comme La Fabrique du futur axée sur « l'élaboration d'un projet économique post-capitaliste ». La prochaine étape pour Antigone ? « Peut-être plus de partenariats avec les acteurs sociaux du quartier », avancent les membres.

 

Antigone fête ses dix ans, samedi 16 juin à 19h, à Antigone

 

Encadré: La prog

Pour ses dix ans, Antigone organise « une grosse fête ». Au programme, à boire et à manger, mais aussi de la musique. Sont prévus, entre autres, OK' Chorale (rock-reggae) et le groupe électro Der Zoologe von Berlin. L'occasion de « faire revenir des gens qui ont marqué Antigone ». La soirée devrait aussi réserver « quelques surprises ».


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