Oumou ou l'étoile wassoulou

« Une femme joyeuse rend les gens heureux. Les femmes sont les étoiles de la terre », affirme Oumou Sangaré à propos de son album "Seya" (qui signifie joie). Un message optimiste et solidaire. Grâce à cette grande âme du wassoulou, la cause des femmes africaines a trouvé sa voix. À découvrir à "Jazz à Vienne". Stéphanie Lopez


Au Mali, le terme "worotan" signifie « dix noix de cola », et c'est aussi la monnaie d'échange lors du mariage : le prix à fournir par l'homme pour s'acheter une femme. Oumou Sangaré en sait quelque chose. Si l'un de ses albums (le troisième) s'intitule justement Worotan, c'est parce que la diva du wassoulou a fait les frais de cette polygamie à la noix. Dès son plus jeune âge, voir sa mère souffrir et renoncer à sa carrière de chanteuse ont sans doute développé chez elle un fort esprit de revanche, doublé d'un sens précoce de la responsabilité : lorsque le père abandonne le foyer, Oumou, âgée de dix ans, s'investit à 100% dans la musique pour aider sa famille et se dédommager de son enfance volée. Initiée au wassoulou par le maître du genre, Amadou Ba Guindo, puis épaulée par Ali Farka Touré, qui lui ouvre les portes du prestigieux label World Circuit, sa voix résonne vite aux quatre coins du Mali, puis de l'Afrique, puis du monde entier. Il faut dire qu'Oumou Sangaré a bien des choses à faire entendre, bien des remparts contre lesquels sa voix puissante et posée ne cesse de s'élever.

Femmes, je vous aide

Dès Moussoulou, son premier album qui signifie « Femmes », Oumou dénonce les mariages arrangés ou forcés, les carcans sociétaux et autres injustices aux antipodes de la parité. Autant de combats qui lui vaudront le Prix du Conseil international de la musique de l'Unesco, et le titre d'Ambassadrice de la bonne volonté, remis par la FAO. Courtisée par certains partis politiques, l'ijira éducatrice, comme on l'appelle au Mali, n'en reste pas moins une formidable musicienne, qui écrit et compose toutes ses chansons elle-même. Indépendante, forcément, elle s'entoure en studio de Pee Wee Ellis (ancien sax de James Brown) et de Nitin Sawhney pour propulser le wassoulou du terroir vers un son afro-pop qui, sur scène, confine à l'exutoire. Quand Oumou chante, les barrières tombent, les hanches se lâchent… Difficile de ne pas ressentir au fond des tripes la majesté de cette femme touchée par la grâce. À Vienne, Oumou reviendra cette année accompagnée de Bela Fleck, le virtuose du banjo avec qui elle tourne sans relâche, et de la belle Fatoumata Diawara, sa fille spirituelle. Sey'a de la joie.

Oumou Sangare
À Jazz à Vienne, samedi 7 juillet

 


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