Oiseaux Jazz

Qui dit été dit festivals, qui dit festivals dit jazz, qui dit jazz dit "Jazz à Vienne", point de rencontre annuel de la grande migration des jazzeux du monde entier. Stéphane Duchêne


Avec l'été et l'avènement des festivals, on assiste chaque année à une migration qui pourrait nous rappeler celle de certains volatiles sensibles au climat (oies, grues, etc...). Chaque été, à la même période, c'est la grande transhumance des jazzmen, irrésistiblement attirés par la qualité du climat français, et ici, rhônalpin, et la qualité de ses sites antico-historico-touristiques. Parmi ceux-ci, le théâtre antique de Vienne n'est pas le moins prisé. Or, la notoriété et le talent de ces drôles d'oiseaux aux cris étranges, trompettistes, saxophonistes, chanteurs, pianistes, guitaristes, n'est pas sans attirer de concert toute une foule d'amateurs qui, elle aussi opère une migration vers ce lieu de rassemblement, comme le fauve attiré par la pause réhydratation d'un troupeau de flamands roses.

Passage de témoin

Cette année, à Vienne, les oiseaux sont encore une fois loin de se cacher pour mourir, même si une partie d'entre-eux n'est pas de prime jeunesse. Mais ce sont eux qui ont construit la légende du jazz et par là d'un festival qui n'a de jazz que la raison sociale, car toutes les espèces de musiques y sont acceptées ou presque. Eux, les McCoy Tyner, Chick Corea, Bobby McFerrin, Fred Wesley, George Clinton que l'on retrouve chaque année, ou régulièrement, avec plaisir, car témoins d'un âge d'or qu'une partie du public n'a pas connu. Eux, qui comme Earth, Wind & Fire font résonner en nous des rythmes familiers que l'on croyait perdus à jamais dans les tréfonds de notre mémoire. Eux aussi qui ont à cœur de passer le témoin à cette jeunesse qui pousse et frappe à la porte, qui renouvelle les genres tout en en assurant, paradoxalement, la pérennité. Oisillons à peine sortis du nid ou jeunes faucons déjà bien installés, ont aussi leur place, et plus que jamais, à la table des plus grands.

Pensons à l'avenir

Ce n'est sans doute pas un hasard si le "fil rouge" du festival a pour nom Tigran Hamasyan et pour âge un petit quart de siècle à peine. Ce pianiste arménien aux airs de corbeau est l'avenir du jazz, qu'il mélange à des préoccupations personnelles : qu'elles soient celles des origines (le folklore arménien) ou des madeleines de jeunesse (le metal). Il s'agit presque d'un passage de témoin, ce dont la vieille garde ne doit guère s'offusquer, ayant passé l'âge de s'intéresser à autre chose qu'à son art. Une tendance renforcée, outre les laboratoires que constituent le JazzMix et le Club de Minuit du festival, en marge de la programmation "concert", par la présence d'une ribambelle de jeunes talents : Gregory Porter, soulman taille patron, Esperanza Spalding qui cache derrière un nuage de cheveu et un visage d'ange, un talent qui va du chant à la basse (ou l'inverse), Sandra Nkaké, nouvelle voix de la soul-jazz française pour ne citer qu'eux. La liste est longue mais pour aller à Vienne la route est courte. Et pas qu'à vol d'oiseau.

Jazz à Vienne, du jeudi 28 juin au vendredi 13 juillet, au Théâtre antique de Vienne

 


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