Des corps et des images

Festival d'Avignon (3) / Jérôme Bel et Simon McBurney


Jérôme Bel reste toujours Jérôme Bel, avec n'importe quels interprètes. Ainsi, pour Disabled Theater, sa dernière pièce présentée à Avignon (mais créée plus tôt), le chorégraphe star de la scène française a travaillé avec la compagnie suisse-allemande Theater Hora, dont les membres sont des comédiens handicapés – beaucoup sont atteints de trisomie 21. En restant toujours dans l'esprit du théâtre-documentaire qu'il affectionne tant (et qui lui réussit si bien), Jérôme Bel livre une pièce d'une justesse de ton remarquable. Il a ainsi demandé aux comédiens divers exercices (venir sur scène, se présenter, danser...) : ces matériaux entre les mains, il a élaboré le spectacle en agençant les parties, en enlevant certaines moins pertinentes, en mettant en avant d'autres (certains solos de danse sont très touchants, ou très drôles). Tout en posant, en filigrane, la question du regard du spectateur – question récurrente chez lui. Certes, le rendu peut être dérangeant, surtout pour les néophytes de Bel, mais c'est justement là que réside la force du spectacle : déplacer habilement le curseur, les spectateurs étant finalement interloqués par la nature-même de la pièce, et non par ses interprètes, qui ne sont que des comédiens professionnels. Néanmoins, le virage à 180° pris à la toute fin du spectacle amoindrit le résultat : à savoir faire plaisir à tous les comédiens, qui présentent alors leurs solos initialement (et très justement) refusés par Bel...

Disneyland

Sinon, on a vu le fameux Maître et Marguerite de Simon McBurney, artiste britannique associé au festival cette année. Le metteur en scène a investi la cour d'honneur du Palais des papes avec tout son univers, et des moyens considérables. Dont tout un travail conséquent sur la vidéo. Mais si l'on reconnaît aisément le talent de l'artiste dans la maîtrise des codes théâtraux (les 3h de spectacles sont rondement menées), on reste plus que circonspects sur la nature même de la forme : entre kitsch fait avec sérieux et lourdeurs de machinerie, le Palais des papes de transforme en parc d'attraction vieille école. Faut aimer...

Aurélien Martinez


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Un air libre