Le monde comme on veut le voir

Festival d'Avignon (6) / Sidi Larbi Cherkaoui et la compagnie Afag


De la danse qui en met plein la vue à coups d'images évocatrices et chiadées : voilà comment l'on peut résumer (de façon lapidaire, certes) le travail du chorégraphe belge Sidi Larbi Cherkaoui sur sa création Puz/zle, présentée à la carrière de Boulbon. Dans une scénographie inventive à l'image d'un jeu de construction grandeur nature (des cubes, des grands murs, ...), les onze danseurs, à la technicité impeccable, s'en donnent à cœur joie en utilisant toutes les possibilités offertes par les éléments de décor : c'est qu'il faut tenir les deux heures que dure la pièce, quitte à sombrer de nombreuses fois dans la redondance ! Reste la force dégagée par ce Puz/zle, entre mysticisme et humanisme ; force décuplée par les musiciens présents sur le plateau, dont la chanteuse libanaise Fadia Tomb el-Hage. Un spectacle qui tournera longtemps, et que l'on découvrira sans doute dans la région sur la saison 2013/2014 (à la MC2 Grenoble en tout cas, c'est certain).

La cape et l'épée

Voilà, ça, c'était pour le In. Évidemment, comme on l'écrit depuis le début du festival, Avignon, c'est aussi le Off. Un Off qui devient de plus en plus n'importe quoi, comme une sorte de foire à ciel ouvert où le meilleur (rare, souvent dans des théâtres haut de gamme à qui l'on peut faire confiance presque les yeux fermés) côtoie le pire, n'importe quel lieu pouvant à Avignon faire office de salle de représentation – des lieux parfois gérés par des programmateurs qui ne sont pas tant soucieux de la qualité des compagnies qui viennent à eux que de leur solvabilité. Alors, quand dans cet océan démoralisant, on découvre des propositions passionnantes et inattendues, ça fait plaisir ! La Botte Secrète de Dom Juan est ainsi l'un de nos coups de cœur du Off de cette année – même si le spectacle est présent au festival depuis quelques années. Soit la compagnie Afag Théâtre (Afag pour Au fond à gauche) qui a élaboré une pièce de capes et d'épées très Robins des bois, et tout en alexandrins. Mais plus qu'un hommage béat au genre on ne peut plus galvaudé, on a affaire ici à une relecture contemporaine tour à tour féministe, engagée, voire carrément politique. Pendant 1h30, on est embarqués dans un tourbillon théâtral solidement construit, l'acmé de l'ensemble étant atteint quand les comédiens sont contraints de sortir de leur rôle du fait d'événements extérieurs (dont on ne dévoilera pas la teneur). À découvrir les jours pairs à 17h10 à l'Espace Alya.

Aurélien Martinez


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