Killer Joe


Avec ce Killer Joe à la rage juvénile, William Friedkin, 77 ans, est de retour au sommet. Bug montrait déjà une hargne retrouvée, mais aussi des limites par rapport au matériau théâtral qu'il se contentait de transposer sagement à l'écran. L'auteur, Tracy Letts, est aussi celui de la pièce qui a inspiré Killer Joe ; cette fois, il a pris le temps de bosser avec Friedkin une vraie adaptation cinématographique, aérée et fluide. Choix plus que payant : le dialogue brillant de Letts trouve dans la mise en scène de Friedkin un allié de poids, le cinéaste étant trop content d'aller en découdre avec son thème de prédilection : l'omniprésence du mal. Killer Joe montre une famille de Texans dégénérés vivant dans un mobile home insalubre : le père apathique, la belle-mère nympho, le fils magouilleur et la fille candide, Dottie. Complètement fauchés, ils décident de mettre à mort la mère pour toucher son assurance-vie. Comme ils sont aussi lâches que méchants, ils font appel à un flic pourri pour commettre l'irréparable. Joe pose une condition : la virginité de Dottie en guise de caution. Si l'innocente Dottie devient naturellement la victime de la cupidité générale, Joe n'est pas, en apparence, le salaud indiqué. Séduisant, élégant (McConaughey joue à la perfection cette ambivalence), il ne se contente pas de déflorer Dottie, mais va aussi la séduire. La scène, vraiment provocante, de leur accouplement, trouvera son revers bestial dans un final renversant de crudité, repoussant les limites de la représentation sexuelle dans un film «tout public». En mettant des coups de boule à toutes les valeurs sacralisées de l'Amérique (famille, mariage, argent), Friedkin montre ainsi que Dieu ne bénit plus le pays depuis longtemps.

Killer Joe
De William Friedkin (ÉU, 1h42) avec Matthew McConaughey, Emile Hirsch, Juno Temple…


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