Dessins / Mirka Lurgosi fût longtemps modèle pour payer ses études, elle est désormais – entre autres – la muse de son photographe de compagnon Gilles Berquet. Activiste musicale underground dans les années 80, cette performeuse un tantinet rebelle est devenue une artiste patiente et minutieuse, une dessinatrice dont la précision trahit une concentration pour le moins invraisemblable. Sans estompe, à force de traits au crayon, se déploie sur le papier un imaginaire érotique parfaitement explicite : un monde peuplé de multiples personnages féminins très féminins (talons aiguilles et poitrines généreuses) aux allures d'héroïnes de comics-books en cours de métamorphose (le motif de la biche se profile assez clairement), souvent entourées de symboles phalliques. Le désir est revendiqué dans la provocation, en même temps qu'il génère une certaine crainte. Par son perfectionnisme, le dessin atteint une sorte de beauté idéale qui pourtant dérange et déplaît, apparaissant comme le symptôme d'un besoin d'illusion de puissance. Est-ce d'avoir tant montrer son corps, de l'avoir autant mis à disposition du regard d'autrui qui donne aux dessins de Mirka cette sombre teinte ? Loin de toute joliesse, on évolue ici dans un cercle obsessionnel et inquiet pouvant mener à l'abattement pur et simple (cf dessin ci-contre). Un cercle sans fin où le corps de la femme, malgré son apparente force, n'est qu'une proie facile du désir – le sien, comme celui de l'autre.
Laetitia Giry
Le voyage sentimental de Mirka Lugosi, jusqu'au 1er décembre à la galerie Ka&Nao