Du côté de Bouba


Le secteur de la danse repose sur une économie fragile. Des chiffres mis en avant par la NACRe (Nouvelle agence culturelle régionale) montrent que la durée de vie d'une création en Rhône-Alpes est d'environ deux représentations, quand on monte à sept pour le théâtre. Un constat lapidaire datant déjà de cinq ans, qui masque pourtant une réalité plus disparate : ce n'est pas parce qu'un spectacle tourne que tout roule. Ainsi, qu'en est-il des artistes qui, aujourd'hui, semblent avoir une renommée suffisante pour pouvoir créer librement ? Eh bien ils doivent aussi se battre, comme nous l'explique Carlos Orube-Caldevilla, administrateur de la compagnie Malka de Bouba Landrille Tchouda. Ce dernier est un artiste isérois qui fut notamment en résidence à la Rampe d'Échirolles, qui participa à la première édition de [re]connaissance en 2009, et qui vient de créer Un Casse-Noisette, sa version du ballet convoquant cette fois-ci l'esthétique hip-hop. Sur le plateau, douze danseurs : un choix que tous les chorégraphes ne peuvent pas se permettre. « Monter une pièce avec douze interprètes, c'est un projet important pour une compagnie indépendante assure Carlos Orube-Caldevilla. Il faut notamment faire les choses dans le respect du droit du travail, en salariant les danseurs pendant tout le temps des répétitions... Ce qui nous amène tout de suite à des budgets assez conséquents. »

« Depuis trois ans »

Le budget total de production est de 450 000 euros, qui doivent être trouvés du côté des institutionnels (Région, Conseil général, Ville d'Échirolles...) comme du côté des théâtres : certains deviennent coproducteurs et acceptent de porter financièrement une partie du projet. Sur Un Casse-Noisette, sept ont joué le jeu (la MC2, les centres chorégraphiques nationaux de Grenoble, Créteil, et La Rochelle, le Grand Angle de Voiron, Château-Rouge à Annemasse et la Maison de la danse de Lyon). Un montage long (« Bouba est dessus depuis trois ans »), qui fait aussi intervenir des fonds privés, et qui demande de parier sur l'avenir, en anticipant les futurs achats des théâtres. Ainsi, quelque 40 dates sont prévues jusqu'en mars 2013, aussi bien chez les coproducteurs que dans des lieux de diffusion lambda, avec un prix de cession de 10 000 euros la représentation – un montant que les lieux négocient, et ne retrouveront de toute façon pas avec les recettes de billetterie (le secteur public de la culture a fortement besoin de subventions, car quasiment aucun spectacle ne peut être à l'équilibre sans). « Malgré tout ça, on est dans un déséquilibre financier, avec une trésorerie qui nous rend particulièrement fragiles. Mais en même temps, on ne peut pas attendre une économie bien propre pour se lancer, sinon on ne ferait rien. » Fort de son expérience et de sa renommée, la compagnie Malka arrive donc à boucler une aventure aussi audacieuse et lourde qu'Un Casse-Noisette – le budget peut paraître énorme, mais ne l'est pas tant au vu de certaines productions d'artistes star.

Un Casse-Noisette, du 11 au 15 décembre à la MC2, et le 29 janvier au Grand Angle


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