Revoir la mer


Avec cet imposant diptyque de deux mètres sur trois, Marc Desgrandchamps offre au regardeur une vision double, entre le réel et l'hallucination. À l'arrière-plan : des montagnes, une plage et la mer au loin, calme. Plus à l'avant : des ruines, et un sol qui prédomine, quadrillé, armaturé, lien ambivalent entre les deux faces du diptyque. Un sol dont les lignes se fondent et se rencontrent, s'imbriquent et se croisent, construisent le théâtre de la confrontation à l'œuvre au sein du tableau... Quand un personnage va tranquillement de l'avant, impassible, l'autre lui fait face avec une étonnante véhémence. Il pourrait être un fantasme, une idée issue de l'imagination du premier ; une statue, ou le fantôme d'un athlète grec. Maltraité, il lui manque les avant-bras, une jambe et un pied, laissant apparaître un moignon dont la tâche de rouge attire d'autant plus le regard qu'elle fait figure d'exception au milieu des bleus et des beiges. Le mystère autour de lui est aussi épais qu'il est effacé, « fantomal » comme dirait son créateur. Cause d'un décalage manifeste, il est l'incarnation d'un trouble accentué par la cohérence et l'unité du décor. Combat entre la représentation de la réalité et celle de l'imagination, la toile fait ainsi dialoguer les forces du présent avec la fougue du passé, la présence avec l'absence. Elle crée le doute et instille l'inquiétude, dessine la mer comme un stimulus, décor propice au développement de l'imaginaire, et par extension, de l'art.

LG


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