Qui es-tu Django ?


Django unchained, hommage ou remix ? Les deux, et plus encore. Au commencement il y a Django, légende du western italien. Année : 1966, dans la foulée de Pour une poignée de dollars, Sergio Corbucci explore le genre avec frénésie et s'inspire d'une BD où un personnage trimballe partout un cercueil. De cette figure, il tire une intrigue épurée (un pistolero venge sa femme tuée par un chef de gang raciste), prétexte à une relecture décharnée des Sept samuraïs. Plantant son décor dans un Far West fantomatique et boueux, peuplé de personnages violents et corrompus, Django se taille alors vite une réputation de petit objet déviant et sulfureux. Succès populaire, le film acquièrt une telle aura qu'il engendre quantité de pseudo suites, clones bâtards, les distributeurs étrangers ne se gênant pas pour rebaptiser Django tout ce qui vient d'Italie avec un colt.

Il faut attendre 1987 pour enfin voir débarquer une suite, officielle, sans Corbucci aux commandes mais toujours Franco Nero dans le rôle titre (le Django original). Stallone mania oblige, le film a des airs de Rambo 2 dans l'Ouest – un juste retour des choses quand on sait que le premier Rambo est un Django déguisé. Vingt ans plus tard, l'idée du personnage est reprise chez le japonais Takashi Miike dans Sukiyaki Western Django. En guest, Tarantino vient dégainer son amour du genre. Sa présence préfigure surtout l'arrivée d'Unchained et son héros noir vengeur d'esclave. Derrière le Django de Corbucci que QT synthétise et relance en respectant jusqu'à ses copies (il est moins un personnage qu'un concept recyclable), c'est en effet tout un pan de la conscience idéologique de Tarantino qui se dessine. Crypto marxiste, solidaire avec les minorités, préférant toujours les révolutionnaires mexicains aux indiens, le western italien avec lequel s'est formé Tarantino n'est pas qu'une question de style, mais bien de morale. Une politique de la série B qui chez lui vaut comme son amour d'une marge cosmopolite et sublime.

Jérôme Dittmar


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